[Codirecteur israélien de l’Israel-palestine Center for Research and Information et fondateur du Center for Israeli Progress, engagé de longue date dans le combat pour la Paix et la coexistence israélo-palestinienne, Gershon Baskin s’étonne ici de l’assourdissant silence réservé par les médias israéliens aux récentes déclarations de Mahmoud Abbas sur la chaîne britannique Channel Two.

Serait-ce qu’elles n’offraient pas prétexte au refus de négocier ? Mais, si révélateur que cela soit d’une certaine myopie après tant d’années d’occupation, là n’est pas le plus grave. Non, le plus grave à notre sens, c’est le mépris affiché par l’actuel chef de cabinet du Premier ministre israélien accusant le président de l’Autorité palestinienne d’irréalisme en ce qu’il prétend régler en une semaine un conflit vieux de cent ans.

Une semaine, après tout, c’est le temps de la Création. Et alors, Monsieur le Premier Ministre, la moindre chance de régler un conflit vieux de cent ans ne vaut-elle pas une simple semaine de votre emploi du temps, si menue soit-elle et si chargé soit-il ? T.A]


Il est surprenant – et révélateur – de constater que les médias israéliens n’ont pas rendu compte de la longue interview de Mahmoud Abbas sur la deuxième chaîne britannique samedi dernier, entretien au cours duquel le président de l’Autorité palestinienne a réaffirmé sa volonté de mettre fin au conflit.

Samedi soir, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne s’est adressé à la nation israélienne depuis Channel 2 au cours de l’émission « Meet the Press », répondant à toutes les questions que les Israéliens se posent sur la sincérité des propositions de paix palestiniennes. Pour ma part, je suis stupéfait de constater que, dimanche matin, aucun journal israélien n’avait évoqué cet entretien. Je suis persuadé que si Abbas s’était opposé à la paix on en aurait parlé en première page.

Si Abbas n ‘avait pas dit, comme il l’a fait, qu’il voulait aboutir à un accord exhaustif et complet qui mettrait fin au conflit et rendrait caduques toutes les revendications basées sur l’histoire, cela aurait fait la une des journaux.

S’il n’avait pas dit qu’il était contre toute déclaration unilatérale d’indépendance, les médias auraient peut-être prêté attention à ses paroles.

S‘il n’avait pas dit qu’aussi longtemps qu’il serait président il n’y aurait pas de retour à la violence et au terrorisme, l’interview aurait peut-être été mentionnée à la radio israélienne. S’il n’avait pas, une fois de plus, condamné l’attentat terroriste d’Itamar, en disant que massacrer des enfants était un acte inhumain et immoral, on aurait sûrement évoqué ses remarques.

Mais Abbas a dit toutes ces choses, ajoutant qu’il voulait négocier un accord de paix permanent et définitif. Il a précisé qu’en repartant du point où ils en étaient arrivés avec Ehud Olmert, l’accord pourrait être finalisé en une semaine. Il a asssuré qu’il suffirait que Benjamin Netaniahu manifeste un désir sincère de négocier un accord de paix en déclarant vouloir baser les frontières à venir sur la ligne de 1967, avec des modifications mutuellement acceptées, pour qu’il se présente aussitôt à la table de négociation. Il a affirmé à plusieurs reprises s’opposer à une initiative palestinienne unilatérale, bien que plus de 120 pays reconnaissent d’ores et déjà l’État palestinien dans le cadre des frontières de 1967.

Peu importe qui est de notre côté, a-t-il ajouté, ce que nous voulons c’est un accord de paix négocié, un accord entre deux États vivant en paix côte à côte. Il a réitéré ce message tout au long de l’interview. Il a dit qu’il n’entérinerait jamais un État aux frontières provisoires, mais accepterait la mise en œuvre graduelle d’un accord permanent.

Interrogé sur son désir de négocier avec le Hamas un retour à l’unité, il a répondu que tant que les Palestiniens sont divisés, les Israéliens en prennent prétexte pour ne pas négocier, mais que s’il parle d’unité avec le Hamas, cela constitue un nouveau prétexte à non-négociation. Lui seul a le droit légitime de négocier au nom des Palestiniens, a t-il dit, et le Hamas est d’accord sur ce point.

Il a ajouté que le Hamas accepte un État palestinien dans les frontières du 4 juin 1967 et qu’il croit possible de le persuader d’accepter la paix. Tout comme Gaza, le Hamas est partie prennante du peuple palestinien, bien que ce mouvement ait commis de graves crimes à l’encontre de Palestiniens.

Le peuple palestinien a le droit de choisir l’homme qu’il veut placer à sa tête. Si Abbas échoue à réaliser ses promesses d’État palestinien et de paix, il démissionnera ; il y aura de nouvelles élections et le peuple décidera quoi faire. Il ne peut rien garantir quant à ce qui se passerait alors ; mais l’une des éventualités est la fin de l’Autorité palestinienne, qui ferait d’Israël le seul responsable de ce qui adviendrait dans les Territoires.

Dana Weiss, la journaliste de Channel 2, lui a demandé avec insistance pourquoi il refusait de s’asseoir avec Netanyahu. Abbas a répondu qu’il avait passé plus de 15 heures avec Netanyahu, mais que celui-ci rejetait les deux conditions principales d’un accord : la reconnaissance des frontières du 4 juin 1967, modifiées par des échanges de territoires réciproques, pour base de la délimitation des deux États ; et un moratoire de la colonisation pendant la durée des négociations.

Dans ces conditions, que reste-t-il à négocier ? Jamais un dirigeant palestinien n’a parlé de façon si nette, si claire et si déterminée de faire la paix. Dov Weissglas, chef de cabinet du Premier ministre sous Ariel Sharon, a dit lui aussi que Abbas était un homme de paix et qu’il était possible d’aboutir à un règlement avec lui. Pour Weisglass, c’est sur Netanyahu que repose à présent la pleine responsabilité de la négociation.

Le chef de cabinet de Netanyahu, Zvi Hauser, a eu une réaction assez dérisoire, disant qu’Abbas n’avait pas le sens des réalités, car comment pourrait-on aboutir au règlement d’un conflit vieux de 100 ans en une semaine ? Hauser l’a de nouveau accusé de n’être pas crédible.

La situation ressemble un peu à celles des tragédies grecques, où l’heure n’est jamais favorable jusqu’à ce que tous finissent par mourir. Nous avons impérativement besoin que Netanyahu soit le dirigeant qui concluera la paix avec les Palestiniens, mais nous n’avons pas le temps d’attendre que la grâce le touche, comme Olmert, Sharon et Yitzhak Rabin avant lui. Septembre sera vite là, et ce sera un moment critique.

Le Moyen-Orient est agité par une foule de gens qui refusent dorénavant de vivre sans liberté, indépendance ni dignité. La cible principale des Palestiniens n’est pas leur propre régime, bien qu’ils désirent presque tous de nouvelles élections. Ils s’élèvent avant tout contre l’occupation.

Tous ceux qui, dans le monde, sont favorables à une solution à deux États voient en Israël l’obstacle à sa mise en œuvre.
L’occupation est rejetée par le monde entier.

Israël est de plus en plus isolé. Même les Juifs montrent des réticences envers la politique israélienne. Le refus de faire la paix sur la base des frontières de 1967, modifiée par des échanges de territoires, est inacceptable.

Les Palestiniens ont accepté de faire des concessions qui rendent la solution à deux États possible et souhaitable. Avec des dirigeants comme Abbas du côté palestinien, c’est faire preuve d’une irresponsabilité criminelle que de ne pas mettre fin au conflit.