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Ha’aretz, 24 octobre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Par un acte politique d’un cynisme quasiment jamais vu dans la politique israélienne, le gouvernement a voté dimanche pour la proposition d’Avigdor Lieberman (Israel Beitenou) de modifier le système politique [en régime présidentiel, ndt]. La plupart des ministres sont contre, ce qui signifie que, lorsqu’ils ont voté, ils savaient qu’ils se déjugeaient.

Particulièrement énorme a été le ministre des retraites, Rafi Eitan (Parti des retraités) qui a déclaré qu’il avait voté pour parce qu’il savait que cette terrible proposition n’avait aucune chance de passer à la Knesset. La vraie raison, c’est que les ministres n’ont pour but que de rester au pouvoir.

C’est en faisant un gros clin d’oeil que Lieberman va entrer au gouvernement. Il sait que le système politique ne sera pas modifié, mais il sait aussi qu’il a réussi à accomplir quelque chose qui, jusqu’à dimanche dernier, paraissait impossible : s’assurer le poste le plus sensible du pays : ministre chargé des menaces stratégiques.

Le choix pour ce poste de l’homme le plus frénétique, le plus irresponsable de notre paysage politique constitue une menace stratégique en lui-même. Le manque de retenue de Lieberman, sa langue effrénée, comparables seulement à ceux du président iranien, pourraient conduire la région tout entière à un désastre.

Il fut un temps, pas si lointain, où ceux qui étaient responsables de la stratégie ne se faisaient ni voir ni entendre. Et la même chose valait pour les détenteurs de postes classés secret défense, qui servaient pour ou aux côtés des précédents. Il fut un temps où les discussions stratégiques étaient conduites en chuchotant, à l’abri dans de salles à huis clos ; où le ministre d’alors Dan Meridor, chargé de ces questions, ne s’exprimait jamais ; où les commissions de la Knesset chargées de questions secret défense ne faisaient pas d’annonces publiques ; et où un premier ministre n’aurait jamais pensé abandonner cette stratégie à un homme dont les yeux brillent et dont toute l’apparence est menaçante : une sorte de dissuasion de jardin d’enfants.

Mais nous vivons une époque où l’irresponsabilité est de mise, et où les nominations n’exigent même pas l’apparence d’un besoin de la nation, ni même l’ombre d’un intérêt national.

Le ministre de la défense, dont le parti symbolise le contraire de l’idéologie de Lieberman, radote sur un programme de possibles pourparlers avec la Syrie et les Palestiniens, comme s’il travaillait pour un autre gouvernement, tout en acceptant l’entrée au poste de super-ministre de la défense d’un homme encore moins qualifié que lui pour ce poste.

Qui sera employé au ministère des menaces stratégiques? De quoi seront-ils responsables? Qui contrôlera la langue de Lieberman, et quelqu’un a-t-il pris en compte les dangers contenus dans ses menaces? S’il y a bien une menace iranienne, la responsabilité de la traiter doit-elle être confiée à un partenaire marginal de cette coalition? Et cette nomination ne fait-elle pas en elle-même peur davantage qu’elle ne dissuade? Peut-on conclure de cette nomination que la menace iranienne va être traitée avec le même manque de sérieux qui a caractérisé la décision de partir en guerre au Liban? Et les résultats n’en seront-ils pas encore bien pires?

La nomination de Lieberman (qui, il n’y a pas si longtemps, réclamait qu’Israël bombarde le barrage d’Assouan) au poste de ministre responsable des menaces stratégiques indique que le gouvernement Olmert a perdu tout sens du jugement. La stabilité que va acquérir le gouvernement avec l’entrée dans la coalition d’Israel Beitenou n’augure rien de bon.