Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


SEVILLE – Les touristes espagnols entrant dans la salle à manger du Barcelo
Gran Hotel à Séville cette semaine auraient probablement eu du mal à croire que le groupe assis autour de l’une des tables et devisant de facon détendue était composé d’un député israélien, d’un diplomate palestinien, d’un ancien ministre jordanien et d’un professeur égyptien.

La reunion annuelle du Forum israélo-européen de Séville fait partie des dizaines de conferences au cours desquelles Israéliens et Arabes se rencontrent, en particulier des Palestiniens des territoires. A cause de la violence qui règne sur le terrain, ils se transportent loin, en Espagne, en Grèce, en Norvège, en Turquie, et jusqu’aux Etats-Unis. Ils traversent les mers et les océans pour convaincre l’autre partie de la justice de leur cause, mais aussi pour y gagner une meilleure compréhension de ses souffrances.

Quelquefois, ils se disputent et élèvent la voix. Quelquefois, on a le sentiment que s’ils passaient un jour ou deux enfermés dans la même pièce, ils en sortiraient avec une solution à tous les conflits à propos de la terre, de l’eau et de l’espace aérien qui ont occupé des générations de politiciens.

Le parlementaire britannique Peter Mandelson, ancien ministre chargé de
l’Irlande du Nord et ancien membre du cabinet, apportait dans ses bagages sa
riche expérience en tant que négociateur ayant pris part aux conversations
qui ont precédé les accords du Vendredi Saint. « Ce qui est difficile, c’est
de considérer le conflit du point de vue de l’autre », dit Mandelson. « Pourquoi agissent-ils ainsi? Pourquoi refusent-ils d’agir? Pourquoi le compromis est-il difficile? Pourquoi utilisent-ils ce langage? Pourquoi leurs leaders paraissent-ils si lâches? Pourquoi ont-ils peur de prendre de plus grands risques vis-à-vis de leurs propres partisans? »

Ces questions, bien sûr, ne font pas perdre le sommeil aux politiciens, occupés qu’ils sont par les primaires à venir. Essayer de comprendre les ennuis du voisin ne fait pas les grands titres. Ce que dit Mandelson s’applique directement à Israël et aux territoires. « Au bout du compte », dit-il, « le règlement d’un conflit ne dépend pas de mesures juridiques ou constitutionnelles. Cela demande des valeurs, humaines, civiques, sociales, pour triompher de la violence, du déni des droits de l’autre, et du désir de vaincre. Seules des valeurs fortes et durables peuvent remplacer les préjugés qui nourrissent la violence. On peut adoucir les préjugés, les médiatiser ou les canaliser, mais ce n’est qu’en construisant un corpus de
valeurs différentes qu’on préservera un processus de paix sur le long terme.
 » C’est là que réside l’espoir de Mandelson pour la pérennité du processus
de paix en Irlande.

L’IPCRI (Israel-Palestine Center for Research and Information) est l’une des
organisations qui travaillent depuis des années à promouvoir les valeurs dont parle Mandelson. Dans une lettre rendue publique cette semaine, les directeurs de l’IPCRI, les Drs Gershon Baskin et Zakaria al-Qaq, appellent les dirigeants de la région et ceux du monde occidental à faire de l’établissement d’une société civile palestinienne une priorité. Ils prédisent que si rien n’est fait très vite, le vide créé par la destruction des institutions de l’Autorité palestinienne sera rempli par les fondamentalistes religieux, les radicaux et les gangs de rues, transformant
les territoires en une deuxième Algérie.

L’intifada, disent-ils, a déjà coûté aux deux parties environ 10 milliards de $. Avec la moitié de cette somme faramineuse, une fondation israélo-palestinienne (et internationale) aurait pu réahabiliter tous les réfugiés au Liban et convaincre la plupart des colons de retourner en Israël. Pourquoi des centaines de milliers de réfugiés déplacés dans des camps au Liban, et des dizaines de milliers d’Israéliens envoyés dans les territoires occupés devraient-ils attendre que leurs dirigeants parviennent à un accord sur le Mont du Temple?

Quelquefois, il est difficile de comprendre comment des millions d’Israéliens et de Palestiniens, qui désirent tant la paix si l’on en croit les sondages, peuvent rester passifs et se permettre de se faire berner par des dirigeants qui les propulsent d’une guerre à l’autre. Avec l’aide d’un leadership « populaire » et d’une coopération entre voisins, les sociétés civiles peuvent soumettre les politiciens à leur volonté. Elles ont le pouvoir, non seulement d’établir la confiance et la compréhension entre les peuples, mais aussi de briser les mythes et de construire une nouvelle
réalité.