Ha’aretz, 5 juillet 2007

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant.


Au lendemain de sa victoire dans la bande de Gaza, le Hamas s’est retrouvé avec des cadavres dans son placard. Six mois plus tôt à peine, il collaborait encore avec l’Armée de l’islam, l’appellation « institutionnelle » prise par le clan mafieux des Doghmush.

Le Hamas utilisait les tueurs Doghmush comme mercenaires contre le Fatah (pour l’assassinat de Moussa Arafat, par exemple), pour tirer des Qassam sur Israël tout en affirmant qu’il respectait le cessez-le-feu et, bien sûr, pour l’enlèvement de Gilad Shalit.

Le chef de l’Armée de l’islam, Mumtaz Doghmush, fréquentait assidûment les chefs de la branche armée du Hamas, Ahmed al-Ja’abari, Ahmed al A’ndur, et d’autres. L’une de leurs expériences, qui créent des liens, s’est produite quand le véhicule des trois hommes a été attaqué par des membres du clan Doghmush affiliés au Fatah, et qui ignoraient que Mumtaz était l’un des passagers. Cela marqua le début des heurts sanglants entre l’armée de l’islam et le Hamas.

D’un seul coup, dans les descriptions du Hamas, le clan Doghmush était devenu un obstacle à l’ordre public, des « collaborateurs du Fatah. » Toutefois, le clan, puissamment armé, savait très bien que tant que le Hamas et le Fatah se battaient pour le contrôle de la bande de Gaza, il pouvait bénéficier du chaos dans les rues.

Personne ne tentait de les affronter, ni de chercher la libération d’Alan Johnston, le journaliste de la BBC retenu en otage. Au contraire : chacun des groupes avait besoin des services du clan et espérait son soutien dans sa guerre contre le rival.

A peine remis en liberté, Johnston a dit lors d’une conférence de presse au consulat britannique à Jérusalem que ses gardes étaient devenus très nerveux après le coup de force du Hamas dans la bande de Gaza. Et ils avaient de bonnes raisons. Les combats entre les deux organisations avaient pris fin, et l’Armée de l’islam ne pourrait plus continuer à opérer sous le couvert du chaos ambiant.

De son côté, le Hamas avait besoin de prouver à la communauté internationale que ses intentions de restaurer le calme à Gaza étaient sérieuses. Hier, le Hamas en a administré la preuve.

Johnson lui-même a dit que le Hamas entendait restaurer la loi et l’ordre, mais lui aussi sait que Gaza est un endroit qui a ses règles propres. D’ailleurs, en parlant de son avenir à Gaza, il a dit qu’il « en avait marre. »

Le Hamas a réussi à obtenir la libération du journaliste de la BBC par des négociations à la Gazaouie : une combinaison appropriée du bâton, de la carotte et de l’échelle. Le bâton : les miliciens de la Force exécutive, déployée par le Hamas autour du complexe du clan Doghmush, avec menaces d’assaut. La carotte : des garanties qu’il ne serait fait aucun mal au clan une fois Johnston libéré, et qu’il pourrait conserver un certain nombre d’armes. L’échelle qui a permis à Mumtaz Doghmush, musulman très croyant, de descendre de l’arbre où il s’était retrouvé : la personnalité religieuse qui avait agi en tant que médiateur entre le Hamas et l’Armée de l’islam aurait édicté une fatwa demandant aux Doghmush de libérer le journaliste.

Cette libération pousse un peu le Hamas au-devant de la scène internationale. Le groupe a prouvé au monde qu’il était fiable. Il avait promis d’obtenir la libération de Johnston et a tenu sa promesse. Le Hamas a dit qu’il prendrait des mesures contre le chaos, les hommes en armes, la drogue, et ses succès ne sont pas minces. L’opinion palestinienne, qui a vu le Hamas agir contre le clan, qui a fini par représenter tout ce qu’il y a de mauvais dans la bande de Gaza, considère cela comme un développement positif.

De son côté, le Fatah s’est retrouvé dans une véritable crise le jour même où les médias palestiniens étaient surtout censés couvrir le paiement des salaires de tous les fonctionnaires, après l’afflux de fonds de l’étranger dans les coffres de Mahmoud Abbas. Au lieu de quoi les médias se sont intéressés à la libération de Johnston.

La bande de Gaza devient de plus en plus calme. Ce calme découle toutefois de la tactique de la peur et de la force utilisée par le Hamas. A certains Gazaouis, ce calme rappelle celui des cimetières.