Ha’aretz, 6 novembre 2008

[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/1034832.html]

Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Alors que la plus grande démocratie du monde vient de choisir un Noir, pour
la première fois dans son histoire, le petit Israël marque 13 années
écoulées depuis l’assassinat de Rabin par un fanatique bien de chez nous.

Lorsque les clairons de la victoire se seront tus, la voix exaspérante des
extrémistes se fera entendre, ceux qui n’accepteront pas la « dictature » du
suffrage populaire. L’Amérique a, elle aussi, la « chance » d’avoir ses
mouvements messianistes-racistes, dont les militants sont prêts à mourir
pour des causes sacrées comme le refus d’accorder à la femme le droit de
disposer de son corps, ou celui des gens d’acheter une arme mortelle à
l’épicerie du coin.

L’Amérique a connu, elle aussi, des assassinats de dirigeants. Pas plus que
le Shin Bet israélien, les services secrets américains ne sont à l’abri
d’un kamikaze.

Israël devrait tenir tout particulièrement à la sécurité d’Obama, et pas
seulement à cause de la spécificité de ses relations avec les Etats-Unis.
Car on peut imaginer que ses conseillers veilleront à ce qu’il n’abandonne
pas Israël.

J’ai eu la chance de connaître deux des conseillers que le nouveau président
a choisis pour le Moyen-Orient : l’ancien ambassadeur en Israël Dan Kurtzer,
et le spécialiste en stratégie Dan Shapiro. Tous deux sont juifs, aiment à
la fois Israël et la paix. Tous deux pensent que l’existence d’Israël dépend
de l’existence d’un Etat palestinien. Et, de manière naturelle, un président
qui a été si largement soutenu par les juifs [[Selon un sondage Gallup, les juifs ont voté à 77% pour Obama.]] et qui pensera à son second mandat n’aura pas envie de se les mettre à dos.

L’ombre de la branche musulmane de la famille de Barack Hussein l’obligera à
se montrer particulièrement prudent s’agissant du triangle Etats-Unis –
Israël – monde arabe. D’autre part, durant ces huit dernières années, Israël
s’est habitué au doux parfum de la Maison-Blanche et du Congrès, qui lui ont
permis de faire tout ce qu’il a voulu dans les territoires occupés.

Sauf que George W. Bush a déjà accompli pour lui une partie du travail. Au
Bureau Ovale, Obama trouvera la « vision » de Bush de deux Etats, de la
Feuille de Route qui promettait la paix avec tous les pays arabes en 2005,
et d’un gel total de la colonisation. Il trouvera aussi une copie de la
lettre adressée par Bush à Ariel Sharon, où il promettait que les Etats-Unis
soutiendraient un accord fondé sur un retrait de tous les territoires
occupés à l’exception des principaux blocs de colonies, et le retour des
réfugiés dans un Etat palestinien. [[ Pour une analyse de cet échange de lettres et de la position de Bush en
général : [->http://www.lapaixmaintenant.org/article743] ]] et qui pensera à son second
mandat n’aura pas envie de se les mettre à dos.

Obama devra décider quand il voudra tenir ces promesses. Le résultat des
élections israéliennes aura sans doute une influence : si la coalition
Kadima-travaillistes demeure, Obama n’aura pas trop de mal à faire en sorte
qu’Israël aille dans la direction souhaitée par les Etats-Unis. En outre, sa
première année de mandat étant également la dernière de celui de Mahmoud
Abbas, le président américain ne voudra pas porter la responsabilité d’une
éventuelle chute de la Cisjordanie entre les mains du Hamas.

En mars prochain, la Ligue arabe rouvrira le débat sur son initiative de
paix. Si l’attitude américaine à l’égard du canal israélo-syrien ne change
pas, Damas cherchera à rallier du soutien pour cet important document. Si
les sondages qui prédisent une victoire de la droite en Israël se révèlent
justifiés, il est évident qu’Obama devra faire preuve de davantage de
persuasion pour obtenir du gouvernement israélien qu’il le suive dans sa
voie du dialogue et du compromis. La décision de risquer à nouveau une
confrontation comme celle entre Bill Clinton et Benjamin Nenatanyahou et un
ébranlement des relations avec Israël et la communauté juive dépendra de
deux facteurs : l’un est l’importance qu’Obama donnera à un accord de paix
israélo-arabe pour calmer la crise en Irak et isoler l’Iran ; le second est
la sa détermination à forcer Israël à transformer ses chansons de paix en
actes.

Le premier signe montrant que la droite s’habituait au changement de
direction aux Etats-Unis a pu être vu sur la chaîne 2 (de TV israélienne)
qui interviewait Danny Ayalon, ancien ambassadeur d’Israël à Washington.
Cette nouvelle recrue du parti (d’extrême droite, ndt) Israël Beitenou y a
dit qu’il n’y avait rien à craindre d’Obama, et qu’il pensait qu’Obama était
« bon pour Israël parce qu’il lui sera plus facile de mettre sur pied une
coalition contre l’Iran. »
Le même Ayalon écrivait en janvier dans un
éditorial pour le Jerusalem Post : « Nous devrions considérer la candidature
d’Obama avec une certaine inquiétude. »

Il semble que ceux qui appelaient Bush « le meilleur ami d’Israël » ont en
réalité du souci à se faire. Au contraire, ceux qui s’inquiètent de ce
qu’Israël ne devienne un Etat d’apartheid vivant à jamais par le glaive ont,
depuis hier, un nouvel espoir. Pour le moment, il ne s’agit que d’espoir.