Givat Haviva

Nous nous dirigeons désormais vers Givat Haviva. Cet institut est situé dans le Méshoulash, la région du « Triangle » où vit la majeure partie des Arabes israéliens. La principale minorité du pays est tiraillée entre sa vie quotidienne au sein de l’Etat d’Israel et son identité culturelle palestinienne. De nombreux Arabes israéliens ont de la famille en Cisjordanie et à Gaza et doivent donc composer avec leur soutien naturel à la cause nationale palestinienne.

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Givat Haviva est un insitut fondé par le mouvement kibboutzique, à l’origine formant les cadres du kibboutz. Plus tard, on y a créé le centre judéo-arabe pour la paix, promouvant le dialogue entre juifs et arabes et permettant l’apprentissage de la langue arabe au sein de la population juive israélienne.

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Présentation de Givat Haviva par Myriam Dagan

[->http://www.givathaviva.org.il]

Le nom de l’institut a pour origine celui de Haviva Reik : membre du kibboutz Ma’anit, parachutée par les Alliés en Slovaquie derrière les lignes allemandes, capturée et assassinée par les Nazis.

L’institut est constitué de nombreux centres :

 centre d’études sur l’histoire du mouvement kibboutzique

 centre judéo-arabe pour la paix, avec des antennes en Israel et en Cisjordanie

 centre d’art : photographies par les yeux de l’autre, poterie, dessin, sculpture

 centre pour les femmes et les études de genre travaillant notamment sur les questions
– nouvelles immigrantes
– femmes battues
– mariages forcés
– traite des femmes

 bibliothèque : collection de journaux palestiniens (depuis le début du XXe siècle)

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Le centre pour les femmes et les études de genre, dans lequel travaille spécifiquement Myriam Dagan, a pour tâche principale la formation de travailleuses sociales : psychologues, éducatrices et assistantes sociales. Ces formations amènent à la fois au soutien psychologique et financier de femmes en difficulté mais également à l’assistance aux projets d’entreprises. Par exemple, on a aidé des entrepreneuses arabes et juives à travailler ensemble pour toucher ensemble les deux secteurs, chacune amenant une compétence.

Myriam insiste sur le rôle prépondérant de la famille en Israël, quelle que soit la religion, dans la vie sociale et culturelle. Par ailleurs, la famille est basée sur le rôle de la femme. La difficulté des femmes sont comparables à celles que nous connaissons, amplifiées par le conservatisme traditionnel des différents secteurs de la société israélienne : équilibre entre éducation des enfants et vie professionnelle, retraite des mères de famille, etc.


Lydia Aisenberg

Lydia, membre du Kibboutz Mishpar Haemek, nous présente la visite de la région que nous allons faire dans l’après-midi, située entre la Ligne Verte et la Barrière de séparation construite par le gouvernement israélien.

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Elle nous rappelle combien la question des frontières est peu évidente

 étroitesse stratégique du territoire israélien au niveau du nord de la Cisjordanie

 absence de marquage territorial de la ligne verte corresponadant aux lignes de cessez le feu de la guere de 1948 et que tous les jeunes israéliens nés après 1967 ne connaissent plus.

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Rencontre avec Ryad Kabbah, le directeur arabe du centre juif et arabe pour la paix

Il fut le président du conseil régional de Bartaa. Ce village arabe (désormais ville) fut divisé en deux par la Ligne Verte, ligne de cessez-le-feu de la guerre de 1948.

Problématique judéo-arabe

Il nous déclare en introduction : « Je suis un arabe fier de mon arabité, je fais partie du peuple palestinien. Je suis en même temps citoyen israélien ». Né dans le village de Bartaa, divisé en deux par la Ligne Verte en 1949, qui passe au milieu du village là où il y a un oued. Cette ligne verte a délimité les zones de souveraineté israélienne et jordanienne. La ligne verte a donc divisé, du jour au lendemain, des familles en deux entre Bartaa ouest et est.

L’interdiction de passer d’un côté à l’autre a posé beaucoup de problèmes au quotidien : doublement de toutes les institutions de base (école, mairie, services municipaux, etc.). En ce qui concerne l’eau, il a fallu partager la source d’eau du fond de la gorge : on boira à l’ouest le jour et à l’est la nuit ; les rares rencontres se faisaient donc aux lever et coucher du soleil au bord de l’eau.

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Anecdote

Ryad Kabbah nous glisse ensuite cette anecdote.

Quand il était en classe de 6e, le gouverneur militaire israélien venait visiter le village le jour de la commémoration de l’indépendance d’Israel à l’école pour vérifier qu’on le célébrait bien, qu’on y chantait bien l’hymne national israélien (la Tikva), etc.

Tout s’est passé normalement avec chants patriotiques et drapeaux brandis dans la cour. Plus tard, il est parti jouer avec d’autres enfants près du vadi (oued), qui marquait la frontière. Deux soldats jordaniens les ont appelés pour qu’on leur achète quelques marchandises côté israélien (introuvables de leur côté). Ils nous ont demandé qui a brandi le drapeau israélien. Espérant obtenir naïvement une récompense, il a menti et a déclaré « C’est nous qui avons brandi le drapeau ! ».

Dès que nous leur avons dit cela, ils nous ont attachés à un arbre, battus, en nous expliquant que ce drapeau n’était pas le nôtre et que nous les trahissions en le brandissant. Le lendemain, des informateurs ont raconté ce qu’il s’était passé au gouverneur militaire israélien. On a été convoqué au poste de police et là, les soldats israéliens nous ont aussi battus pour « nous faire oublier ce que les jordaniens nous ont dit » !

Cette anecdote est là pour nous apprendre quelque chose et Ryad continue ainsi :

« Nous sommes une minorité spéciale, ni comme les turcs en Allemagne ni comme les Algériens en France. Nous vivons chez nous, là d’où nous ne sommes jamais partis. Nous sommes une minorité non migrante. Notre pays est en guerre contre notre propre peuple ! »

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Se repose donc la question de la loyauté des arabes israéliens vis-à-vis de l’Etat et donc de l’armée : les arabes israéliens ne sont pas tenus au service militaire.

En 48, la raison officielle était qu’on n’a pas voulu les intégrer dans l’armée pour ne pas les faire tirer sur leurs « frères arabes ». Mais en même temps, cela dénotait un énorme manque de confiance, un soupçon de cinquième colonne permanent, difficilement conciliable avec une intégration réussie. Finalement, ce mensonge officiel a convenu à tout le monde, en permettant de tenir les arabes à l’écart des structures militaires, tout en leur évitant les désagréments de s’engager dans une armée en guerre contre les pays arabes.

Mais comme il a vécu avec les israéliens, il a appris à les comprendre. En même temps qu’il subissait des discriminations, il luttait contre elles à travers des partis politiques et mouvements citoyens, avec des juifs israéliens. A travers ce travail commun, il en arrive à la conclusion que les arabes israéliens sont les arabes les plus réalistes du Moyen-Orient. Ils peuvent à la fois déclarer aux palestiniens radicaux « Arrêtez de croire que vous allez rejeter les juifs à la mer ! » et aux nationalistes israéliens « Arrêtez de croire que vous allez tout annexer ! »

Selon lui, deux coexistences pacifiques s’imposent donc :

 celle de deux Etats pour deux peuples

 celle des juifs et arabes au sein de la société israélienne