Yediot Aharonot, 11 octobre 2007

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Depuis quelque temps, une nouvelle épidémie menace le discours public israélien. Une conférence de paix, un accord avec les Palestiniens, des cérémonies avec un président américain : maladies que nous croyions disparues à tout jamais. Nous nous étions habitués au confort d’une vie sans partenaires, sans négociations. Soudain, le virus de la paix réapparaît.

Nous avions trouvé un traitement relativement simple : un geste dédaigneux de la main. Que ce moustique porteur d’ennuis file d’ici !

Ce geste de la main, on le retrouve chez des ministres, des députés, des journalistes et de nombreux citoyens. Ne vous en faites pas, disent les ministres du Parti travailliste, qui naguère portait l’étendard de la paix, rien d’important ne sortira de ces négociations. Entre-temps, les membres du cabinet du Premier ministre chuchotent à toutes les oreilles, en particulier aux oreilles droites, qu’il n’y a aucun danger de paix, ni d’accord, Dieu nous en préserve. Tout au plus, une vague déclaration d’intentions.

Dans l’opinion et dans les médias, on adopte largement et joyeusement ce scepticisme. Et même, on ajoute une bonne mesure de cynisme. Aucune chance qu’ils parviennent à un accord : après tout, les fossés sont si larges. Jérusalem ? Olmert ne pliera pas. Les réfugiés ? Abbas ne pliera pas. Les frontières ? Les colons ne laisseront pas faire. La sécurité ? Les Palestiniens sont des incapables. Les Etats-Unis ? Bush est déjà politiquement mort.

Ainsi, semble-t-il, ce geste de la main dédaigneux est en train d’accomplir son travail. On ne sent rien qui ressemble à un moment historique. Les places publiques ne s’empliront pas de manifestants, car la paix est si loin. Mais tout cela n’est que du « semble-t-il. ».

Si le sommet réussit, le tournant historique va se produire – si les principes d’un accord final sont formulés, et si des négociations se mettent en route sur les détails des questions au cœur du conflit. Oui, il est fort possible que les sceptiques et autres cyniques aient raison, qu’il n’y ait pas d’accord et que le sommet échoue. Dans ce cas-là aussi, nous assisterions à un tournant historique : pour le pire.

Et le Hamas pourra dire : nous avions raison.

Dans son discours du 24 septembre à New York, la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni a dit que le moment était venu. Que l’on nous offrait une chance historique de faire de l’idée de deux Etats une réalité, et que les générations futures ne nous pardonneraient pas un échec.

Elle a raison. Sauf que la génération présente ne nous le pardonnerait pas non plus, parce que le prix de l’échec pourrait être terrible. Ceux des Palestiniens qui souhaitent la paix (et ils constituent une majorité) diront qu’ils n’ont pas de partenaire du côté israélien, et que le seul horizon qui leur est laissé est celui du Mur, des check points et des colonies. Et ceux des Israéliens qui souhaitent la paix (et ils constituent une majorité) sombreront un peu plus dans le désespoir comme sombrera l’espoir de voir émerger un Etat juif et démocratique.

Mahmoud Abbas dira : j’ai tenté d’être conciliant avec Israël. J’ai accepté que l’application d’un accord se fasse par étapes et soit soumise à des tests. J’ai accepté une présence internationale en Palestine. J’ai boycotté le Hamas. Et les Israéliens savent bien qu’ils n’auront jamais d’interlocuteurs plus modérés que moi et le Premier ministre Salam Fayyad. S’ils ne veulent pas d’un accord avec nous, sur un document général qui servira de base à des négociations, cela voudra dire qu’apparemment, nous aurons démasqué Israël et révélé son vrai visage.

Le Hamas dira : nous avions raison. Il n’existe pas de solution diplomatique avec Israël. Tous ceux qui, de notre côté, ont cru à des négociations possibles avec Israël se sont trompés et ont trompé les autres. Seule la violence produira des résultats. Tout comme nous avons fichu dehors les Juifs de la bande de Gaza avec des attentats suicides des roquettes Qassam, nous les ficherons dehors de toute la Palestine. Le Fatah n’a rien à offrir, alors que nous, nous nous renforçons de jour en jour.

Le monde dira : apparemment, il n’y a rien à faire. Les Juifs et les Arabes sont déterminés à continuer à s’entre-tuer. S’il vous plaît, ne nous parlez plus d’intégrer l’Union européenne, ni de tourisme, ni d’investissements. Si un gouvernement Kadima-travaillistes et un gouvernement Abbas-Fayyad sont incapables ne serait-ce que de parvenir à un accord-cadre, ils peuvent nous oublier. Nous avons autre chose à faire.

Et nous, que dirons-nous ?