Ha’aretz, 26 août 2007

Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


En Israël, contrairement aux pays normaux, l’été peut se prolonger jusqu’en novembre. Il est donc trop tôt pour déclarer que le « danger de guerre avec la Syrie cet été » est passé. Mais il ne fait aucun doute que la période prévue pour la guerre tire à sa fin. Et quand les perspectives de guerre deviennent « moins séduisantes » et que les titres des journaux font bâiller, la joie de la paix remplace la joie de la guerre.

Remarquons, par exemple, les préparations qu’Israël est en train d’effectuer en prévision de la conférence internationale de paix que le président Bush veut réunir cet automne. Que n’ont pas dit ceux qui sont dans le secret des dieux [Zvi Bar’el fait sans doute référence, en particulier, au récent article d’Akiva Eldar, qu’on peut lire à : [ ]]? Qu’Israël prévoit des échanges territoriaux, que 100% des territoires seront transférés à l’Autorité palestinienne, qu’il y aura un passage sécurisé entre la Cisjordanie et Gaza, qu’il y aura un Etat palestinien, et que les Saoudiens ont déjà annoncé leur participation à la conférence. Il a même été dit qu’il y avait une sorte de « schéma » censé permettre de résoudre le problème des réfugiés, et que tout ce qui restait à faire, c’était de concilier le « plan Peres », qui parle d’un retrait de 100%, et le « plan Ramon », qui ne propose que 70% dans le cadre du plan de convergence.

Alors, y aura-t-il la paix ? Voici, par exemple, une petite condition israélienne qui pourrait gâcher les réjouissances du sommet. Le passage sécurisé entre la Cisjordanie et Gaza ne fonctionnerait qu’après que l’Autorité palestinienne (c’est-à-dire le gouvernement du Fatah) réinstituerait son pouvoir dans la bande de Gaza. Et comment, exactement, cela se produira-t-il ? Le Hamas va-t-il renoncer volontairement à son contrôle sur Gaza ? Un gouvernement palestinien d’union nationale sera-t-il créé, qu’Israël s’empressera de boycotter, bien entendu ? Pas de réponse à cette question pour le moment. Le passage sécurisé n’a donc aucun fondement, et les deux parties territoriales du futur Etat palestinien continueront à être comme deux satellites dans l’espace.

Sans ce passage sécurisé, il n’y a pas non plus d’Etat palestinien ayant une continuité territoriale. Et il n’y a pas non plus de possibilité d’échange de territoire, parce que ces échanges concerneraient le Néguev, et que les territoires en question devraient être rattachés à la bande de Gaza, encore sous contrôle du Hamas et qui le restera au moins jusqu’à la conférence internationale. Et puis, de toute façon, qui empêche Israël de mettre en œuvre une continuité territoriale en Cisjordanie, ou de libérer davantage de prisonniers, ou de stopper l’expansion des colonies pour laquelle elle devra payer des indemnités dès la fin de la conférence ?

Cette condition israélienne ne concerne pas seulement la question du contrôle physique des territoires, elle dicte également l’essence et le caractère de l’Autorité palestinienne. Pas moins grave, elle entretient une illusion : le président Mahmoud Abbas et le gouvernement du Fatah seraient éternels, ou, au moins, il serait possible de conclure avec eux un accord qui obligerait tout le monde pour toujours. Et si, après le retrait, le gouvernement changeait par les urnes ? N’est-il pas essentiel aujourd’hui de gagner le consentement du Hamas pour que l’accord bénéficie d’un large consensus ?

Même en s’attaquant aux grandes questions comme celles des réfugiés et des lieux saints, et avant même de commencer à réunir les dizaines de milliards de dollars pour indemniser les évacués israéliens des colonies, il y a un très léger obstacle : après le fiasco de l’évacuation de Gaza, il y a une confiance nulle en la capacité du gouvernement à trouver de véritables solutions pour les évacués. Ceci sera utilisé comme arme contre toute idée d’évacuation volontaire ou « d’évacuation-compensation ». Si j’étais un colon sans attache idéologique, je voudrais d’abord m’assurer de voir mon nouveau foyer et mon compte en banque garni avant de me laisser évacuer de ma colonie.

Il reviendra au gouvernement israélien, et pas seulement au gouvernement palestinien, de mettre en œuvre les plans grandioses présentés aux visiteurs du sommet. Or, le même gouvernement israélien boîte encore sur les béquilles de la deuxième guerre du Liban, dont le nom est associé à l’échec de l’évacuation de Gaza, et, à en juger par les récents développements de Hebron, il semble que l’armée israélienne devra, là aussi, s’occuper de refus d’évacuer.

Mon intention n’est pas de gâcher la joie du sommet, qui promet d’être très festif. Mais il est impératif de considérer le danger qui réside dans le fait même de l’annoncer : soudain, il semble que tout soit permis car « il y a un sommet ». Il est permis de tuer des enfants à Gaza, de continuer à harceler des civils aux check points, de continuer à étrangler un million et demi de personnes à Gaza, parce que, bientôt, il y aura un sommet et que tout ira bien : il suffit juste de liquider encore un homme recherché avant que la paix n’arrive.

Et si tout cela n’était qu’une longue illusion d’été ?