Ha’aretz, 5 mars 2007

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le voyage de Jérusalem vers le centre de Hebron, quartier considéré comme le bastion des mouvements palestiniens radicaux, ne prend qu’une demi-heure en voiture, mais des années lumière pour ce qui concerne le Proche-Orient. Je suis allé à Hebron pour présenter mes condoléances à la famille du sheik de Hebron, Talal Sider, qui ces dernières années, fut un partenaire important et actif dans nos tentatives de convaincre les dirigeants des trois fois monothéistes de faire de la religion un levier pour la paix, la fraternité et l’espoir.

Les dizaines de milliers de personnes présentes à ses funérailles témoignaient du fait que, malgré le changement de direction du sheik Talal, qui fut l’un des fondateurs du Hamas, il était demeuré un leader religieux et spirituel vénéré. La voie courageuse qu’il avait choisie, jusqu’à faire partie du gouvernement de l’Autorité palestinienne et participer à des dialogues inter-religieux, nous enseigne qu’en dépit de tout, il est possible de changer. Pour lui, ce changement n’avait rien de tactique, mais découlait purement de sa position religieuse.

Malgré des différences de positions politiques et de culture, il apparaît que le dénominateur commun religieux a le pouvoir de créer un langage différent. Contrairement à ce que pensent certains Israéliens, les Palestiniens en ont eux aussi assez. Eux aussi veulent que leurs enfants rentrent à la maison sains et saufs. Eux aussi veulent vivre.

La tendance à voir le verre à moitié vide nous fait parfois oublier le verre à moitié plein. Depuis 30 ans, depuis les messages envoyés par Anouar Sadate au début des années 70 et sa visite historique à Jérusalem, il y a eu de la part des 22 pays arabes un processus, lent mais constant, vers l’acceptation de l’idée de l’existence de l’Etat d’Israël.

Cette évolution n’a pas encore vraiment pénétré le leadership religieux musulman. La montée en puissance de l’Islam en tant que force politique extrêmement importante a provoqué un certain fossé entre les positions des Etats musulmans et leurs leaders spirituels. Mais, à côté d’expressions de haine, certaines purement antisémites, les premiers signes d’acceptation de l’existence d’Israël et de souhait de réconciliation commencent à apparaître chez les leaders religieux.

Ces voix se sont fait entendre clairement à l’occasion de rencontres inter-religieuses entre leaders religieux et éducatifs, dans le cadre de programmes courageux et intensifs, et même à travers certaines décisions religieuses émanant d’écoles religieuses d’Arabie saoudite, d’Egypte et des territoires palestiniens. Tout doit être fait pour que cette tendance positive suscite une réponse positive de la part de notre camp religieux, afin que ce message pénètre également chez nous.

Le verre à moitié plein de l’accord de La Mecque pourrait montrer la voie. Avec sa victoire aux élections, le Hamas s’était retrouvé en charge d’une administration dont la légitimité émanait des accords d’Oslo [[L’Autorité palestinienne a été créée dans le cadre des accords d’Oslo, et a, pour cette raison, toujours été refusée par le Hamas qui a boycotté ses élections jusqu’à la dernière, qui a donné les résultats qu’on sait. ]]. Du toit sur lequel il avait grimpé, et après avoir célébré sa victoire, le Hamas a découvert avec angoisse qu’il existait une échelle qui lui permettait de descendre de son idéologie islamiste utopique pour toucher la terre du réel, dont la nécessité de se réconcilier avec l’existence de l’Etat d’Israël.

L’accord de La Mecque est loin de satisfaire toutes les exigences posées par le Quartet à l’Autorité palestinienne. Mais si les parties savent utiliser l’échelle, avec toute la prudence nécessaire, ils pourront atteindre un autre horizon diplomatique fait d’espoir et de réconciliation. La photo de groupe des leaders palestiniens à La Mecque, habillés de blanc, souligne une fois de plus la place et l’importance de la religion dans la solution du conflit. Nous aussi, pas moins que les autres, devons descendre de l’échelle.

Il n’est pas possible de ne faire la paix qu’avec la moitié des Palestiniens. Mahmoud Abbas tout seul ne peut pas être la solution. L’autorité qu’il a reçue du Hamas pour conduire les négociations et organiser un référendum a une importance à la fois politique et religieuse. Même le terroriste Khaled Mesh’al emploie aujourd’hui sans le savoir un langage différent. Cet homme cruel, au coeur de pierre, n’a pas encore accepté l’Etat d’Israël comme un fait accompli, mais même ses déclarations selon lesquelles l’Autorité palestinienne est tenue de respecter les accords avec Israël constituent « un langage diplomatique nouveau » que le Hamas a dû adopter par « nécessité nationale ».

Tout en exigeant, sans compromis, l’éradication du terrorisme et la sécurité, Israël doit aussi diversifier les canaux de dialogue existants. Ceux qui ne veulent pas des dirigeants palestiniens actuels se retrouveront demain face au Jihad islamique et à al-Qaïda. Si nous enterrons tout espoir d’une alternative, nous nous retrouverons face à un monde arabe uni derrière les intentions de l’Iran d’annihiler Israël.

La persistance de la situation actuelle n’apportera rien d’autre qu’un désastre. Sans alternative diplomatique, le retour de l’armée israélienne à Gaza n’est qu’une question de temps. Si nous laissons le désespoir nous envahir, il le fera vite et facilement. Chez nous, il y a aussi la nécessité de se rendre compte que sans la paix à laquelle nous aspirons tant, il est impossible sur le plan moral de continuer à contrôler la vie de 3,5 millions d’Arabes qui ne veulent pas de nous. Cette position morale doit nous pousser à faire l’effort de descendre de l’échelle qui nous est offerte.