Ha’aretz, 17 juin 2009

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le discours du premier ministre Benjamin Netanyahou a été, comme cela a été dit, le discours de notre vie. De notre vie enlisée et sans espoir.

Une fois de plus, la plupart des Israéliens peuvent se réfugier dans ce qui apparaît comme une offre audacieuse et généreuse, mais qui n’est en fait, comme d’habitude, qu’un compromis entre angoisses, faiblesse et certitude d’être dans son bon droit, un peu à droite ou un peu à gauche du centre politique. Mais quelle distance entre cela et les dures exigences du réel, et avec les revendications légitimes des Palestiniens, acceptées aujourd’hui par une grande partie du monde, y compris les Etats-Unis !

Maintenant que chaque mot du discours a été pesé et analysé, prenons un peu de recul et contemplons le spectacle dans sa globalité. Ce que ce discours révèle, au-delà des jongleries et analogies, est le renoncement auquel nous sommes arrivés, nous Israéliens, face à une réalité qui exige souplesse, audace et vision. Oublions un instant l’orateur habile s’adressant à son public et nous verrons avec quelle passion il se retranche derrière ses angoisses. Nous sentirons la douce stupeur du nationalisme, du militarisme et de la victimisation qui a rythmé tout son discours.

À part le principe de deux Etats, arraché à Netanyahou sous la pression et exprimé avec amertume, ce discours ne contient aucun pas tangible en direction d’un véritable changement d’état d’esprit. Netanyahou n’a pas parlé « honnêtement et courageusement » – comme il l’avait promis – du rôle destructeur des colonies, obstacle à la paix. Il n’a pas regardé les colons dans les yeux pour leur dire ce qu’il sait parfaitement : que la carte des colonies contredit la carte de la paix. Que la plupart d’entre eux devront quitter leur foyer.

Il aurait dû le dire. Il n’aurait pas perdu d’atout dans de futures négociations avec les Palestiniens. Au contraire, il aurait permis à ces négociations de débuter. Il aurait dû nous parler, à nous Israéliens, en adultes, et non nous bercer encore davantage dans la négation de faits que nous connaissons tous. Il aurait dû parler précisément et en détail de l’initiative de paix arabe. Il aurait dû préciser les clauses qu’Israël accepte et celles qu’il n’accepte pas. Il aurait dû lancer un appel au changement qui aurait permis aux Arabes de réagir, et entamer le processus le plus vital qui soit pour Israël.

Or, il a passé plusieurs minutes à régaler son public de promesses et d’assurances selon lesquelles Israël devait recevoir quelque chose des Palestiniens avant même que les négociations n’aient commencé. Il n’a pas parlé des risques qu’Israël devait prendre, ni de son désir de parvenir à la paix. Il n’a convaincu personne de ses réelles intentions de se battre pour la paix. Il n’a pas conduit Israël vers un nouvel avenir. Il n’a fait que contribuer à ses angoisses, anciennes et familières.

Je l’ai regardé. J’ai regardé aussi les chiffres impressionnants du soutien dont il a bénéficié après son discours. Et j’ai su combien nous étions loin de la paix. Combien éloignés, combien flétris en nous, sont la capacité, le talent et la sagesse nécessaires pour faire la paix, et même l’instinct de nous sauver de la guerre. J’ai vu mon premier ministre dans son numéro de jonglage, ses lèvres bien serrées, un numéro de rejet les yeux fermés de haute volée. J’ai vu son mécanisme interne toujours à l’œuvre transformer toute tentative de paix en une auto-persuasion qu’un commandement du ciel nous enjoint de vivre par le glaive pour toujours. J’ai vu, et j’ai su que rien de tout cela ne ferait avancer la paix.

J’ai également observé les Palestiniens qui ont réagi au discours, et je me suis dit qu’ils étaient nos alliés les plus fidèles dans le renoncement et les occasions gâchées. Car leur réaction aurait pu être bien plus sage et clairvoyant que le discours lui-même. Ils auraient pu se saisir de branche, si molle fût-elle, que Netanyahou leur offrait à contrecœur, et le mettre au défi d’entamer immédiatement des négociations avec eux, ainsi qu’il l’avait proposé au début de son discours. Des négociations qui auraient eu une chance de faire redescendre les deux parties des sommets à déclarations fracassantes pour atterrir sur le sol de la réalité, et peut-être à la terre promise de chacun des deux peuples.

Au lieu de cela, les Palestiniens, piégés comme nous dans un mécanisme d’escalade de l’ergotage, ont préféré parler des mille ans qui s’écouleraient avant qu’ils n’acceptent les conditions de Netanyahou.

Voilà le message que Netanyahou nous a renvoyé, voilà ce que ses déclarations révèlent : même si la plupart des Israéliens souhaitent la paix, il semble qu’ils ne seront pas capables de parvenir à faire la paix. On peut même se poser la question : nous, Israéliens et Palestiniens, comprenons-nous réellement, en profondeur, ce que signifie la paix, et à quoi ressemblerait une vie en paix ? Et une autre question surgit immédiatement : l’option d’une vraie paix existe-t-elle toujours dans notre esprit ?

Parce que, si cette option n’existe pas (ce que révèle de façon aiguë et presque embarrassante le discours de Netanyahou), cela signifie que nous n’avons aucun moyen de parvenir à la paix. Et que dans ce cas, aussi étrange que cela puisse paraître, nous n’en avons pas non plus la motivation.

Le discours de Netanyahou, qui aurait dû aspirer au nouvel esprit mondial qu’a fait souffler le président Obama, nous dit, entre ses lignes de contorsionniste, qu’il n’y aura pas de paix dans la région si elle ne nous est pas imposée. Ce n’est pas facile à admettre, mais il semble de plus en plus que ce soit le choix qui attende Israéliens et Palestiniens : une paix juste et sûre – imposée aux parties par une intervention internationale emmenée par les Etats-Unis – ou la guerre, peut-être encore plus dure et cruelle si cela est possible, que celles qui l’ont précédée.