Bitterlemons

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par Yossi Beilin [[Yossi Beilin est l’initiateur du processus de paix d’Oslo. Il a été ministre dans les gouvernements Rabin, Peres et Barak.]]

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Un jour d’hiver de février 2001, quelques jours après la défaite d’Ehoud Barak au cours du scrutin anticipé pour l’élection du Premier ministre, je rencontrais Yasser Abed Rabbo, le ministre palestinien de la culture et de l’information, dans les bureaux éditoriaux du journal Al Qods, dans la zone industrielle Atarot à Jérusalem. Nous reprenions la longue discussion que nous avions eue pendant les négociations de Taba en janvier de la même année.

Abed Rabbo etait convaincu que la première erreur du sommet de Camp David, auquel il avait également participé, avait été de placer la question de Jérusalem au début des negociations plutôt qu’à la fin. Comme à Taba, il avait l’impression que si nous avions disposé de quelques semaines de plus, nous aurions pu finaliser la trame d’un accord de paix.

Nous étions d’accord pour poursuivre l’effort entamé à Taba, cette fois de façon informelle, sans obliger personne que nous-mêmes. Nous voulions nous prouver qu’un accord final était possible, prouver aux deux camps de la paix qu’il y avait un partenaire et un plan. En luttant contre l’atmosphère de désespoir, le manque de foi et l’escalade de la violence, nous croyions qu’un accord permanent modèle pouvait redonner vie tant au camp de la paix israélien (qui ne s’est même pas dérangé pour participer aux elections quelques jours plus tôt) qu’a un camp de la paix palestinien somnolent.

Nous ne pensions pas que cela prendrait tant de temps. Des difficultés techniques, d’abord l’interdiction de passage pour les Palestiniens en Israël et pour les Israéliens en zone A (en Cisjordanie) et les circonstances politiques – les crises gouvernementales palestiniennes et les élections en Israël – tout cela a retardé l’achèvement de ce projet. Des coalitions importantes se sont formées des deux côtés : économistes, intellectuels et militants du Fatah du côté palestinien, anciens responsables des services de sécurité, représentants des partis du centre et de gauche, intellectuels et industriels du côté israélien.

Les discussions de Taba ont duré sept jours. Le huitième jour a duré trois ans. Il prit fin le 12 octobre de cette année, avec la signature de la lettre au ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, jointe à la version accréditée du pré-accord.

La base de nos discussions fut le Plan Clinton [cf [ ]], qui avait été accepté par les deux parties, avec des réserves, en decembre 2000. Notre constatation de base a été que « Dieu est dans les details » et que la plupart des accords ne sont en principe pas convaincants à cause de leur faible capacité à traiter les solutions à la racine. Le premier marchandage fut une concession israélienne sur la souveraineté palestinienne sur le Mont du Temple avec une force internationale permanente sur place, en échange d’un droit de décision souverain d’Israël sur le retour de réfugiés palestiniens.

Nous nous ne sommes pas attardés sur les « versions de l’Histoire », les
récriminations réciproques ou les responsabilités passeés. Nous ne nous
sommes pas demandé mutuellement d’abandonner nos rêves. Nous nous sommes contentés de solutions. Tous les points d’interrogation, toutes les querelles historiques, toutes les décisions des Nations Unies sur lesquelles
tant de longues années ont été perdues pour les interpréter à notre avantage – tout ceci a obtenu une réponse, une solution et trouvé sa place dans l’accord auquel nous sommes parvenus. Ce n’est un accord facile pour personne, mais jamais meilleur accord n’a été conclu. Il est laissé à la discrétion des décideurs des deux bords ; ils peuvent, s’ils le désirent, l’intégrer en tant que phase 3 de la feuille de route, c’est-à-dire qu’il constituerait l’accord final qui doit être conclu en 2005.

Si l’accord que nous avons obtenu bénéficie d’un large soutien dans les deux
opinions publiques, alors leurs dirigeants respectifs ne pourront plus ignorer ce que nous avons accompli. Maintenant, nous entamons une large campagne d’information : un accord est possible ; la situation actuelle de terrorisme et de représailles a un prix lourd et inutile pour les deux bords, cette situation ne mène à rien ; la paix israélo-palestinienne apportera avec elle le salut économique pour les deux peuples ; elle permettra à Israël de rester un Etat juif et démocratique qui ne dominera aucun peuple, et permettra aux Palestiniens d’exercer leur droit à
l’autodetermination.

La poursuite actuelle de la politique israélienne, où tout dialogue est impossible tant que le terrorisme perdure, profite aux terroristes qui n’ont aucun intérêt à la paix. Trois ans après que le Premier ministre Ariel Sharon eut promis la sécurité et la paix – et nous a apporté moins de sécurité et de paix – le moment est venu d’essayer autre chose : l’Accord de Genève offre la seule alternative réaliste.