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Haaretz, 8 janvier 2004

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Dans un rapport élaboré par un service de sécurité palestinien, il est écrit : « Les attentats suicides sont un élément clé dans la lutte entre les Israéliens et les Palestiniens, et une analyse des circonstances, du timing et de l’exécution de la grande majorité des attentats, en particulier des plus importants, commis par le Hamas et par le Jihad islamique, conduit à la conclusion que leur timing a suvi une logique bien plus purement politique que militaire ».

Les auteurs de ce rapport supposent que le Hamas et le Jihad sont très bien introduits au sein de l’Autoritè palestinienne, avec des agents qui leur fournissent des renseignements sur les dèveloppements politiques, dont des informations de l’intèrieur sur les nègociations avec Israël, les Américains et la communauté internationale, permettant ainsi au Hamas et au Jihad de réagir en conséquence.

Le principal objectif de ces deux organisations islamistes est « la destruction de l’Autorité palestinienne et la création d’une alternative dont le but est la négociation sous la menace du feu, dans les conditions dictées par le Hamas, sur le modèle du Hezbollah ».

Une menace pour le Hamas

Le document révèle que l’attentat suicide au Dolphinarium (à Tel-Aviv, ndt), en juin 2001, qui a tué 21 adolescents israéliens, était destiné à torpiller les efforts américains qui tentaient de remettre sur pied la coordination sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne, coordination qui était perçue comme une menace directe pour le Hamas.

« L’attentat s’est produit après deux rencontres, à Ramallah et à Gaza, entre des officiers des services de sécurité israéliens et palestiniens, avec la participation d’officiels américains », écrit le document.

De même, le document évoque l’attentat du Hamas contre le restaurant Sbarro à Jérusalem, en août 2001, « qui est intervenu alors qu’on assistait à de gros efforts pour mettre fin aux incidents dans les territoires. Dans l’atmosphère politique de l’époque, il y avait une initiative pour envoyer des observateurs internationaux à Bethléem et à Rafah et pour appliquer les recommandations du rapport Mitchell, et il y avait eu une rencontre très positive entre Yasser Arafat et le consul américain à Jérusalem ».

Selon les auteurs du rapport, les forces de sécurité palestiniennes, agissant d’après des informations de source israélienne, avaient pu arrêter le concepteur de l’attentat de Sbarro, Abdallah Albarghouti, « mais cette arrestation est intervenue trop tard pour empêcher l’attentat ».

Torpiller la mission de Zinni

Le document affirme que le Hamas et le Jihad islamique avaient consenti des efforts particuliers pour faire échouer la mission du général americain Anthony Zinni, envoyé dans la région a la fin de l’année 2001 pour remettre sur pied la coordination sécuritaire entre les deux côtés.

L’attentat de décembre 2001 contre le bus de Haifa, qui a tué 15 personnes, était destiné à contrecarrer la mission de Zinni, dit le rapport. Zinni participait à des rencontres conjointes intensives. A ce moment, l’attentat a marqué la fin des chances de parvenir à un accord de sécurité.

Le document explique que l’intérêt politique qu’avaient le Hamas et le Jihad à ordonner des attentats allait au-delà du simple attentat. L’attentat contre le Park Hotel en mars 2002, le plus meurtrier de tous, « a été programmé au moment où la Ligue arabe se réunissait à Beyrouth, et après deux séries de rencontres avec Zinni », dit le rapport. Cet attentat a déclenché l’opération Rempart et la réoccupation des villes de Cisjordanie.
L’attentat contre le restaurant Maza à Haïfa, quatre jours plus tard, était destiné à « s’assurer que l’Autorité palestinienne avait perdu tout contrôle sur la sécurité dans la région, et accélérer son processus de destruction totale ».

De même, le document explique que l’attentat contre le club de billard Sheffield de Rishon Letzion, deux mois plus tard, avait été planifié pour coïncider avec la visite à Washington du Premier ministre Ariel Sharon et avec l’annonce de la visite dans la région de George Tenet, directeur de la CIA, qui devait tenter d’obtenir un accord de sécurité entre les deux côtés.

Un mois plus tard, le Jihad islamique commettait l’attentat au carrefour Megiddo, alors que Tenet se trouvait en Israeël.

Pour les auteurs du document, les attentats étaient aussi planifiés pour réagir à des événements intra-palestiniens.

L’attentat contre le bus 32 à Jérusalem, en juin 2002, qui a tué 19 Israéliens, avait pour but de saper la légitimité du nouveau ministre de l’intérieur palestinien, Abdul Razak Yahya, qui avait été imposé par Arafat quelques semaines plus tôt. D’après le rapport, le Hamas était au courant de la reprise des contacts entre des officiels américains et l’Autorité palestinienne dans le contexte du discours à venir du president Bush, dans
lequel celui-ci allait faire connaître sa vision de deux Etats, et exiger le remplacement d’Arafat.

D’après le document, le Hamas et le Jihad islamique étaient au courant depuis le début des efforts de formulation de la Feuille de route, et savaient ce que savaient les officiels palestiniens avant même que la Feuille de route ne soit finalisée, à la fin de l’année 2002.

L’attentat au carrefour Karkour, en octobre 2002, avait pour objectif de torpiller les contacts en cours sur la Feuille de route et la présentation du plan, dit le rapport. Le modèle se répéta l’année suivante, par exemple avec l’attentat contre le bus 37 à Haïfa, au moment même où la nomination de Mahmoud Abbas était imposee à Arafat et où l’Egypte annonçait son intention d’obtenir une hudna (trêve).