Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’entreprise de colonisation a commencé il y a 35 ans, par un événement
comparable à celui de cette semaine : une colonie illégale, légalisée rétroactivement par le gouvernement, à l’appel de plusieurs intellectuels égarés. La bataille pour Havat Gilad rappelle cette naissance, qui depuis, avec le terrorisme palestinien, a conduit l’Etat dans une impasse politique et spirituelle. Dix ans après 1967, il n’existait encore que 31 colonies, peuplées de 4.400 habitants. Aujourd’hui, il y a plus de 120 colonies « légales », et quasiment 50 fois plus de colons. Et il y a quelque 90 colonies sauvages abritant entre 700 et 1.000 fanatiques obsédés par leurs rochers. De toutes les tactiques de colonisation, la lutte contre le demantèlement de ces colonies sauvages devient l’une des plus dangereuses. La menace que ces colonies constituent va beaucoup plus loin que les affrontements d’un week-end.

Comment les démanteler? Le gouvernement a la réponse. Il a montré cette
année de grandes capacites d’initiative chaque fois qu’il a décidé de liquider le terrorisme. Les colonies sont elles aussi un danger, et particulièrement grave, car elles représentent une menace de l’intérieur, revêtue, à travers la direction de rabbins satisfaits d’eux-mêmes et de gens comme Effie Eitam (ministre des Infrastructures et leader du Parti National Religieux, ndt), d’atours proto-fascistes.

Ariel Sharon s’est montré tout à fait capable d’évacuer les colonies de Pithat Rafiah (dans la bande de Gaza, ndt) pour appliquer un accord avec l’Egypte. Cette fois, il a choisi de ne pas exercer cette capacité, pour une raison qui touche au coeur du problème : il ne veut pas d’un autre accord en échange d’importantes concessions. Depuis l’epoque où le rival de Sharon, Binyamin Netanyahou, occupait le poste de Premier ministre, 106 colonies sont nées. Environ un tiers d’entre elles ont reçu le même genre d’autorisation rétroactive que celle dont a beneficié Tel Rumeida, il y a plus de trente ans. Toutes les autres sont illégales à tous points de vue, ou bien alors elles sont nimbées d’une ambiguïté toute créative.

Pourquoi les évacuer? Pas seulement pour la raison simple que les fanatiques
juifs de Cisjordanie se moquent de la loi, comme par exemple dans le cas de la colonie de Migron, qui a commencé par être un relais de Cellcom (opérateur de téléphonie mobile, ndt), et auquel on a rajouté un mikveh (bain rituel) pour 20 familles. Ces colonies doivent être évacuées parce qu’elles sont les incubateurs des tendances les plus exécrables qui touchent Israël ces derniers temps. Derriere leurs prétentions à un « nouveau sionisme » se cache un mélange de messianisme, un mépris pour toute considération relative a l’Etat, et une légitimation de quasiment tout moyen au service de fins illégales. De plus, ils sont soutenus par des politiciens à tendances proto-fascistes, qui jusqu’alors n’avaient jamais pénétré les cercles du pouvoir avec autant de force.

Pourquoi fasciste? Parce que, même en adoptant la plus dépassionnée des
définitions, des gens comme Eitam répondent aux critères de ce concept européen : la sanctification de la terre, meme au-delà des frontières de l’Etat; le culte du sang versé pour des régions au-delà de la ligne d’horizon; les concepts abstraits de sens du peuple et de la patrie; et le fait d’être prêt a utiliser la force militaire de la nation au nom des objectifs précités. Israël, d’apres Eitam, n’est pas seulement une entité pragmatique dont le but est de se soucier de l’intérêt de ses habitants. Sa raison d’être, du Jourdain à la mer, est « de révéler au monde l’image de Dieu… d’être l’Arche de Noë du futur… de révéler l’oeuvre de Dieu à travers l’Histoire », et autres billevesées qui rivalisent avec les textes les plus dégénérés de la grande eépoque des romantismes allemand et italien.

Ainsi, entre autres conséquences, un mouvement modéré comme le Parti
National Religieux est devenu un parti fanatique et extrémiste. Utilisant son pouvoir de faiseur de rois, et avec ses alliés laïques de la frange d’extrême-droite, il a créé une politique israélienne de l’exclusion. En un brusque virage, et en grande partie à cause des sondages, il s’est choisi un leader qui, croit-il, peut toucher un électorat apeuré et de plus en plus extrémiste qui abhorre les Arabes et a soif de vengeance. L’une des principales méthodes de ce courant, abandonné par les gens d’intelligence et de morale, est de se ficher sur des collines rocailleuses au coeur de la population palestinienne, et plus celle-ci est nombreuse, meilleur cela sera. Et ce crypto-fascisme israélien, armé d’une vague reliogisité, tente, en s’emparant de terres, de s’offrir une image d’heroïsme et de revivalisme.

Au-delà du fait que l’entreprise de colonisation est un obstacle immense à tout accord de paix, le comportement qui l’alimente constitue une menace pour la nation par ses relents de fascisme juif, encore caché aux yeux de la plupart des Israéliens. La droite extrémiste et fondamentaliste des colons, et cela est dit en tenant compte de l’innocence de certains de ses militants, est rapidement devenue une menace de l’intérieur, pas moins effrayante que la terrorisme venu de l’extérieur. C’est la raison pour laquelle il faut la combattre sans faillir.