Yediot Aharonot, 12 janvier 2007

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Mon ami de Partout m’a abordé en me posant brutalement la question : « Comment peux-tu plaisanter alors qu’il y a tant de gens qui meurent autour de toi? »

Après un silence, j’ai décidé d’apporter à Mr de Partout une réponse sérieuse.

« Je ne comprends pas ce que tu veux dire », dis-je.

« Je veux dire, il y a des gens qui meurent, et toi tu rigoles ».

« OK, tu as raison. Je vais devoir arrêter mes spectacles comiques… à Chicago. L’année dernière, plus de 600 personnes ont été tuées dans les rues de Chicago. En fait, des milliers de gens sont morts l’année dernière en Amérique. Alors, on n’aura plus ni spectacles comiques, ni rires ni distractions ».

« Mais je ne parle pas de Chicago, je parle d’Israël et de la Palestine! »

« Bon. Il y a des tas de gens qui meurent de par le monde. Arrêtons-nous de rire pour autant? »

Ce monde est plein de tragédies. Le réchauffement de la planète nous arrive, bien que la douceur de l’hiver américain ait plutôt signifié des factures de chauffage réduites. Des animateurs de talk shows américains s’envoient des messages de haine. Alors, pourquoi les gens insistent-ils pour rire même aux pires des époques?

Parce qu’ils tiennent à leur humanité. Rien n’élève davantage l’esprit humain que l’humour, même aux pires des époques. L’humour est aussi essentiel à la vie que la nourriture, l’ego et l’Internet sans fil en vacances.

L’humour ne mettra pas fin aux conflits, mais il peut aider à faire la distinction entre les véritables fanatiques et la majorité des gens, qui ne font que paraître extrémistes parce qu’ils ont du mal à contrôler leurs émotions.

Voilà pourquoi j’adore l’humour.

Le Proche-Orient, c’est comme les montagnes russes

J’ai commencé mes spectacles comiques juste après le 11 septembre 2001. Quoi? J’allais attendre dans la déprime « qu’ils » viennent me chercher? Pas question. L’humour est une manière de faire un bras d’honneur aux méchants, de leur dire que je n’allais pas succomber à la peur et à la violence, quoi qu’il arrive. J’allais recharger mes batteries avec l’humour et repartir me battre encore plus fort pour la paix.

OK. Personne ne le dit en ce moment au Proche-Orient, mais le Proche-Orient, c’est comme d’énormes montagnes russes. Il a ses hauts et ses bas. Et puis, des descentes, et encore des descentes, quelques toutes petites remontées, puis des glissades interminables et puis, peut-être, à l’occasion, une nouvelle remontée.

Il y a en Israël des gens de bonne volonté, rencontrés par hasard, qui partagent ce sentiment, et nous allons monter ensemble une série de spectacles comiques à Jérusalem. Cela s’appellera tout simplement : « La Tournée comique israélo-palestinienne ». Du 24 janvier au 1er février.

Mon partenaire habituel de comédie, Aaron Friedman, va nous rejoindre, ainsi que trois comédiens israéliens que je n’ai jamais rencontrés. Nous jouerons devant des Israéliens et des Palestiniens. Il y aura Shahar Hasson, qui sera le présentateur. Il a un show sur la chaîne 10 israélienne, m’a-t-on dit. Et aussi Israel Campbell, que des amis palestiniens appellent « Entité Campbell ». Ils ont du mal à prononcer son prénom.

La Chicago connection

Mais l’idée de tout cela est venue de Charles Warady, de Jérusalem, auteur avec sa femme Carol d' »Israelismes », un podcast qui paraissait auparavant sur Ynet (site de Yediot Aharonot), chaque vendredi.

Nous ne nous étions jamais rencontrés. Mais le monde est petit. Il s’est avéré que Charles Warady a grandi dans un quartier de Chicago,connu dans les années 60 pour abriter d’importantes communautés juive et palestinienne. A cette époque, les Juifs et les Arabes vivaient ensemble dans les mêmes quartiers. La seule façon pour les Juifs de manger un houmous était d’aller le chercher chez leurs voisins arabes.
Warady habitait un quartier chic, « Pill Hill ». Il y avait là de nombreux médecins, juifs et arabes. Moi, j’habitais « Bill Hill ». Là, il y avait surtout les patients.

/…

La Tournée comique israélo-palestinienne ne mettra pas fin au conflit. Elle ne poussera pas non plus les Israéliens et les Palestiniens à s’appeler les uns les autres à tout moment et à s’inviter à dîner.

Elle ne mettra même pas fin au vaste débat qui consiste à savoir qui a inventé le houmous.

Mais pour au moins un bref moment, elle pourrait rappeler aux Palestiniens et aux Israéliens comment c’était avant, et comment il se pourrait que cela redevienne un jour.

Car, comme je le dis souvent : « Si nous pouvons rire ensemble, nous pouvons vivre ensemble. »