Ha’aretz, 24 mai 2007

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La semaine dernière, Tzipi Livni [ministre des affaires étrangères] se lamentait auprès de diplomates étrangers du fait qu’Israël avait quitté la bande de Gaza et démantelé ses colonies, mais que les Palestiniens répliquaient par des salves de Qassam. Vraiment, ce n’est pas bien. Alors quoi, Livni, et son mentor Ariel Sharon, ne savaient pas que les terroristes du Hamas ne sont pas gentils? Ils pensaient que Khaled Meshal et Mahmoud a-Zahar allaient leur envoyer des fleurs? Difficile de dire le pire : qu’ils n’aient pas pris en compte la possibilité qu’un désengagement sans accord avec les Palestiniens augmente les menaces sur les villes du Néguev occidental, à comparer avec ce qui s’est passé après le retrait d’Israël du Liban sans accord avec la Syrie, ou qu’ils aient quitté Gaza en sachant parfaitement qu’elle tomberait comme un fruit mûr entre les mains du Hamas.

La ministre a donné elle-même la réponse, il n’y a pas longtemps. Dans une interview à la télévision américaine, elle a reconnu qu’il aurait mieux valu quitter Gaza dans le cadre d’un accord plutôt que de « jeter la clé dans la rue ». La « rue », c’est bien sûr le Hamas, dont le slogan est : « La résistance a vaincu les accords. » Le meilleur choix effectué par Olmert depuis qu’il a endossé les habits de Sharon a été de trahir sa propre promesse : « suivre la voie tracée par Sharon. » On ne parle plus, ni de convergence, ni d’unilatéralisme. La formule usée du « pas de partenaire » a cédé la place aux louanges des « dirigeants arabes modérés » et à des envies de « processus de paix. »

Qu’il ait jusqu’ici résisté aux pressions de reconquête de la bande de Gaza montre là aussi qu’Olmert ne suit pas les yeux fermés la voie de Sharon. Pour l’instant, il s’est gardé de donner l’ordre de rejouer à Gaza l’opération Rempart, qui avait ramené les troupes israéliennes en Cisjordanie. Peut-être même a-t-il retenu la leçon de la deuxième guerre du Liban : une attaque massive contre des civils arabes unit le monde arabe contre l’ennemi israélien et ses « partenaires » du camp arabe modéré.

Comme toujours, cela sert le courant radical au sein du Hamas, qui n’aime pas du tout le partenariat entre le premier ministre (Hamas) Ismaïl Haniyeh et le président (Fatah) Mahmoud Abbas. Ce courant cherche à saper le plan Dayton destiné à renforcer le Fatah , et refuse l’initiative de paix arabe. La meilleure manière de réhabiliter ce que Sharon a laissé du partenaire est donc un usage précis et prudent de la force contre le Hamas, retrouver la clé abandonnée dans la rue et la livrer à la bonne adresse. Cela pourrait se faire en répondant par l’affirmative à la demande d’Abbas d’étendre l’accalmie (tahadiyeh) à la Cisjordanie et en ordonnant à Tsahal de ne s’en prendre plus qu’aux « bombes à retardement », avec une coopération discrète des appareils de sécurité de l’Autorité palestinienne. Pour autant qu’on sache, il n’existe pas de tunnels sous le Jourdain qui pourraient servir à livrer clandestinement des armes en Cisjordanie pendant une trêve. Et pourquoi le gouvernement n’appliquerait-il pas le programme Dayton qui prévoit l’allègement des conditions de vie de la population des territoires, montrant ainsi aux habitants que seul le camp modérés est capable de leur redonner espoir?

Le fait d’accorder au partenaire palestinien ces mesures, petites mais importantes, est essentiel, mais au mieux, cela ne fera que maintenir un statu quo provisoire. Pour s’embarquer sur une nouvelle voie, Israël doit faire un grand pas en avant, sur le chemin tracé par l’initiative de paix de la Ligue arabe. En ouvrant un canal de discussion avec Damas, secret ou public, Israël assurerait à la Syrie qu’un accord sur le Golan ne traînerait pas après un accord sur les territoires palestiniens, et ne ferait pas que calmer le front Nord. Damas, qui abrite Khaled Meshal, pourrait aussi exercer bien plus d’influence à long terme sur le front Sud que quelques attaques aériennes israéliennes sur les laboratoires d’armes à Gaza.

Les heurts violents qui ont opposé le Hamas au Fatah dans les rues de Gaza ne sont rien de plus qu’une répétition générale de la grande confrontation que le Hamas prévoit pour juin et juillet. La tentative de mélanger un mouvement religieux (dont l’idéologie ne lui permet pas de reconnaître un Etat juif) et un mouvement nationaliste laïque (qui a compris les limites de sa force) n’a pas marché. Tôt ou tard, par les armes ou par les urnes, les Palestiniens auront une autre chance de choisir la voie qu’ils préfèrent. Et les Israéliens aussi.