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Ha’aretz, 15 septembre 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Cette affaire a tout sauf un caractère sacré. Il s’agit là d’étroites considérations politiciennes, de populisme, de haine, et d’encore une tentative de la part des opposants aux désengagement de graver dans la conscience collective israélienne l’idée que l’autre côté n’est qu’un troupeau d’animaux.

Shaoul Mofaz, ministre de la Défense, a atteint des sommets de mauvaise foi quand il a révélé la semaine dernière qu’il avait élevé en juif. Donc, deux semaines plus tôt, il n’était pas juif. Car deux semaine plus tôt, il conduisait le processus de destruction des bâtiments vides qui avaient servi de synagogues et disait au gouvernement : « si nous les laissons derrière nous, le lendemain nous aurons une vague déferlante du Hamas et il ne restera plus une seule synagogue « .

Mais le rabbin Ovadia Yossef l’a appelé au téléphone et a pleuré, et Mofaz a changé sa position. Le même rabbin avait atteint des sommets de scélératesse quand, alors qu’il pleurait encore la destruction de bâtiments vides, il a dit que les victimes de l’ouragan de la Nouvelle Orléans avaient mérité leur sort car ce sont « des Noirs qui n’étudient pas la Torah ».

Le plus irritant fut Meir Shitrit, ministre des Transports, qui expliquait en long et en large pourquoi il était en faveur de la destruction des bâtiments, puis annonça : « je vote contre, je me range à l’avis des rabbins ». Shitrit est-il lui aussi en faveur d’un Etat khomeiniste? Non, ce n’est rien d’autre que de la peur des électeurs du Likoud qui s’est emparée de Shitrit comme des autres.

Les rabbins ont humilié la Torah d’Israël. Ce sont les rouleaux de la Torah et les fidèles qui confèrent à une synagogue son caractère sacré. A partir du moment où ils ne sont plus là, ce qui demeure n’est rien d’autre que de la pierre et du béton. Les rabbins n’ont pas de motivation religieuse, seulement une motivation politique : prouver à tout le monde qu’ils sont les plus forts, les plus influents, qu’ils peuvent faire plier le gouvernement.

Depuis le début, les Palestiniens avaient déclaré qu’ils ne préserveraient pas les structures vides qui furent des synagogues. Ils n’en avaient ni le pouvoir ni l’envie. Pour eux, ces bâtiments sont des symboles de l’occupation. Le but des rabbins et de la droite a été de mettre les Palestiniens dans une situation impossible, et de prouver ainsi aux Israéliens et au monde entier que ce sont des « barbares ».

Et, de fait, le président Moshe Katzav a bien dit avec condescendance qu' »ils n’ont pas respecté les objets sacrés du judaïsme », et Silvan Shalom, ministre des Affaires étrangères, a bien dit : « c’est un acte barbare de la part de gens qui n’ont aucun respect pour les lieux sacrés ». Nous, nous en avons, du respect, sous-entendait-il.

Or, le fait est que des 140 mosquées abandonnées en 1948, 100 ont été complètement détruites et 40 sont, soit dans un état avancé de détérioration, soit servent de hangars, de magasins ou de garages.

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Le calme qui règne à la frontière de Gaza est une sorte de désastre pour [la droite]. Ils veulent des tirs, des Qassam et des opérations de représailles pour prouver que le désengagement est un échec. L’extrême droite veut des dingues pour mener des représailles contre les mosquées, en particulier au Mont du Temple, pour allumer l’incendie de l’Apocalypse et, accessoirement, « nettoyer » le pays des Arabes.

Le moment est venu de dire ce qui est vraiment sacré : les 194 soldats tués en défendant les 7.500 habitants du Goush Katif. Ce sont eux dont il faudra se souvenir pour toujours, eux qu’il faudra pleurer et non les pierres et le béton. Il est vrai qu’Ariel Sharon a un peu trébuché. Il a entamé bravement un processus, contre le consensus, mais à la fin, il a succombé aux pressions des rabbins.

Mais, en considérant cela avec un peu plus de hauteur, il est clair que l’extrême droite a échoué. Ils avaient promis une opposition populaire de dizaines de milliers de gens, des suicides dans la mer, des martyrs juifs, la paralysie du pays tout entier, des refus en masse d’obéir aux ordres, et un désengagement opéré sous le feu palestinien. Rien de tout cela ne s’est produit.

Cette affaire des synagogues disparaîtra elle aussi. L’axe Philadelphie [frontière Gaza-Egypte] sera stabilisé, et la plus grande partie de la population, celle qui est lucide et satisfaite du retrait de Gaza, ira vers un compromis, en Cisjordanie cette fois.