D’après une enquête réalisée par l’institut Truman, 52 % des israéliens
sont prêts à payer n’importe quel prix pour la libération de Guilad
Shalit. Seulement 35 % s’opposent à la libération de terroristes ayant du
sang sur les mains. 58 % sont d’accord pour la libération d’arabes
israéliens ayant aidé à l’organisation d’actes de terreur dans le cadre
d’un échange de prisonniers. Malgré ce support dans l’opinion publique, il
est toujours aussi difficile aux dirigeants israéliens de décider la
libération de prisonniers. Tant que les chiffres restent abstraits, des
décisions de principe peuvent être prises, mais quand il s’agit de
d’accepter une liste de noms, c’est beaucoup plus difficile. Depuis 3 ans
et demi, le kidnapping de Guilad Shalit sert à justifier le blocus de la
bande de Gaza, pénalisant la population civile palestinienne et
enrichissant en contre partie le Hamas qui taxe l’économie des tunnels. Il
est temps que soit mis fin à cette situation et que cet échange de
prisonniers favorise une reprise des négociations.


[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/1136781.html]

Traduction : Yoël Amar pour La Paix Maintenant.

Il n’est pas difficile de comprendre la décision déchirante à laquelle
doivent faire face Benyamin Netanyahu et les membres de son gouvernement.
Il serait très difficile d’admettre une décision négative de leur part.
Gilad Shalit doit être libéré quel qu’en soit le prix, d’autant que ce
coût est en vérité plus faible que celui qu’avancent ceux qui s’opposent à
cette libération.

Il s’agit de la libération de centaines de palestiniens, environ dix pour
cent des palestiniens actuellement emprisonnés. Certains sont des
prisonniers pour toutes sortes de raisons, parmi eux se trouvent des
femmes et des jeunes gens.

Les plus coupables d’entre eux ont déjà accompli de longues peines de
prisons. L’écrasante majorité d’entre eux ne retourneront pas à l’action
terroriste, ils tenteront plutôt de passer le reste de leur vie en
liberté.

Oui, il y aura de plus en plus de terroristes à l’avenir, avec ou sans la
libération de ces centaines de prisonniers, si l’occupation et ses dérives
continuent. C’est cela la véritable infrastructure des mouvements
terroristes, et cela ne dépend pas des prisonniers qui feront partie de
l’accord d’échange.

Une génération de palestiniens après l’autre combattra à sa manière pour
sa liberté et générera de plus en plus de terroristes. Le seul moyen
efficace de réduire l’activité terroriste, si ce n’est de la marginaliser
totalement, est d’en éteindre le moteur, l’occupation.

Que Mohammed, Ahmad ou Marwan soient libérés ou non, qu’ils soient exilés
ou non, le niveau de danger provenant de nos voisins continuera de
dépendre de la liberté de la nation palestinienne tout entière, et non de
la liberté de quelques centaines de personnes.

De tous les arguments s’opposant à la libération de ces prisonniers
palestiniens, le plus fallacieux est celui de la « perte de pouvoir
dissuasif » : même après application d’un accord, les Palestiniens feront
tout ce qu’ils pourront pour capturer plus de soldats. Après tout, Israël
leur a montré que c’est le seul moyen d’obtenir la libération de leurs
camarades emprisonnés.

De même que la position intransigeante d’Israël concernant Ron Arad a
échoué à dissuader d’enlever d’autres soldats, de même, l’entêtement
d’Israël concernant le soldat Shalit échouera à prévenir d’autres cas de
ce genre. Si Israël ne détenait pas près de dix mille prisonniers
palestiniens, dont certains subissent des peines disproportionnées et
n’ont aucun espoir d’en sortir autrement que par la violence, la
motivation d’autres palestiniens pour enlever des soldats baisserait.

Qu’Israël décide ou non d’appliquer un accord d’échange, cela ne changera
pas la situation générale du conflit mais seulement la vie de Gilad
Shalit et des palestiniens qui seront élargis. Ce sont les seules
questions en jeu, et non pas la sécurité ou la souveraineté d’Israël.

Le dilemme est simple : voulons-nous voir revenir Gilad Shalit à la maison
? vivant ou mort ? Etre ou ne pas être, telle est la question. C’est
pourquoi le gouvernement doit approuver cet accord.
Il est difficile de demander aux Israéliens, tourmentés par la captivité
de Shalit, de prendre en considération les sentiments des Palestiniens.
Mais ils le devraient, ou du moins, ils devraient essayer.

Des centaines de prisonniers sont enfermés dans des conditions sinistres,
ceux provenant de Gaza sont emprisonnés pour des années sans aucune visite
de famille, ni même un coup de fil en provenance du foyer.

Et aucun d’eux n’a de sang sur les mains. La possibilité de leur
élargissement devrait aussi susciter de la compassion dans nos cœurs,
aussi fou et outrancier que cela puisse apparaître aux Israéliens les plus
obtus.

Ce n’est pas un hasard si seules les familles de prisonniers palestiniens
ont exprimé l’espoir de voir Shalit libéré, en plus de l’espoir de voir
la libération de leurs propres enfants. Ce fut tellement déchirant que
nous n’avons entendu aucune parole de ce type de notre coté, même de la
part de la famille Shalit.

Mais Gilad Shalit et les prisonniers palestiniens ne sont pas seuls, sept
millions d’Israéliens et trois millions et demi de Palestiniens ont été
emprisonnés pendant 42 ans dans une cave noire du fait de la poursuite de
l’occupation. Si le caractère tumultueux des Israéliens, si fortement
mobilisé dans la campagne pour la libération de Shalit, avait été utilisé
de la même manière pour lutter afin d’en finir avec l’occupation et ainsi
libérer les deux peuples, Israéliens et Palestiniens de ce joug, les
choses seraient déjà différentes.

Au regard de l’immense (et tout à fait appropriée) sensibilité et le souci
dont a fait preuve la société israélienne pour la vie d’un homme et pour
sa liberté, il est temps de penser à appliquer la même sensibilité, la
même détermination, le même engagement et le même souci envers l’avenir de
dix millions d’hommes et de femmes, Israéliens ou Palestiniens. S’il est
vrai qu’eux peuvent voir la lumière du soleil qui se lève le matin, leur
avenir n’en est pas moins enfermé dans l’obscurité.

La même négociation intensive, la même pression de l’opinion publique, les
mêmes tracts, ballons, pétitions, autocollants et défilés, de semblables
tentes installées dans les lieux publics et la même manifestation contre
la poursuite de l’occupation nous auraient apporté une meilleure
situation, qui pourrait nous éviter des prises d’otages comme celle de
Gilad Shalit. Mais d’abord, Shalit doit être libéré, et maintenant.