Yediot Aharonot, 27 mai 2007

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Devant l’escalade de la violence dans la bande de Gaza, la quasi-totalité des analystes arabes place la responsabilité sur le dos d’Israël, évitant ainsi les vrais défis que posent les conflits grandissants dans la société palestinienne elle-même. Gaza reste en ébullition, mais pas seulement parce qu’Israël a toujours l’avantage dans le rapport de forces militaire. En d’autres termes, oui, Israël fait partie du problème, mais ne se concentrer que sur Israël serait une erreur fatale.

Mais les analystes du monde arabe continuent à ne pas voir l’évidence, car la culture arabe n’aime pas les remises en cause et les responsabilités. On préfère embrasser des théories ridicules qui font porter toute la responsabilité sur l’élément étranger, Israël, en espérant rallier le militantisme arabe et palestinien.

Certains analystes arabes avancent que c’est Israël qui a provoqué le conflit entre les laïques du Fatah et les religieux du Hamas. D’autres considèrent qu’Israël se trouve face à un nouveau front libanais. Selon eux, Israël s’inquiète d’une répétition possible de la confrontation désastreuse qui l’a opposé à un Hezbollah lourdement armé. D’autres vont plus loin et soulignent que Gaza peut devenir un nouveau Liban, un front Sud où les radicaux du Hamas peuvent rejouer les succès du Hezbollah.

Tout ces arguments sont les mêmes vieilles rengaines : accuser Israël chaque fois que quelque chose va mal, ce qui sape d’autant la conscience arabe, et éviter d’affronter les vérités de fond, ce qui garantit que le conflit continuera à faire rage.

Les Palestiniens se sont détournés de la seule voie capable de les sauver : le retour au processus de paix et aux négociations avec Israël. Et entre temps, les différentes factions palestiniennes sont montées les unes contre les autres, dans un remake du conflit politique laïques-religieux qui fait désormais partie de la vie quotidienne des Palestiniens.

Les Palestiniens doivent résoudre leurs propres conflits internes avant d’espérer voir leur indépendance nationale. Mais d’abord, ils ont un certain nombre de choses à faire.

Fuire la tragédie

Le plus important est de reconnaître que leur tragédie a plusieurs couches.

Il y a le conflit avec Israël, une voiture qui abat toutes les solutions du passé et s’écrase contre toutes les barrières raisonnables d’espoir avec des résultats tragiques mais prédictibles. Aujourd’hui, nous en sommes à 40 ans après la guerre de 1967 et le début de l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem Est.. Très vite, nous marquerons les 50 ans.

Il y a les défis que la société palestinienne elle-même doit surmonter. Les Palestiniens connaissent une paupérisation désespérante. Ils subissent l’oppression d’un siège militaire qui semble ne jamais devoir s’achever, ils sont divisés par des barrières artificielles mais bien réelles, comme le mur de 8 mètres de haut qu’a bâti Israël, davantage pour voler des terres que pour se protéger du terrorisme. Tout, autour d’eux, se resserre. Dans un monde aussi confiné, mentalement et physiquement, il est facile de comprendre comment quelques-uns franchissent le point de non-retour et commettent des actes fous comme des attentats suicides.

Mais une transformation est également en train de se produire chez les Palestiniens eux-mêmes. Marqués par des générations de conflit et mauvais dirigeants, ils se détournent des solutions laïques et s’embarquent dans le semblant de confort que procure la religion mêlée de politique, une nouvelle forme de fanatisme qui remplace la logique et la raison par une foi aveugle.

Sous le poids de tous ces problèmes, les Palestiniens sont en train de faire la seule chose qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire en tant que peuple : fuire la tragédie. Et, bien que l’idée de partir reconstruire sa vie ailleurs, dans d’autres pays, peut paraître une réponse à court terme, elle est en train de saper la volonté nationale.

Un coma de désespoir

Ce qui fut une société palestinienne laïque et diverse devient rapidement une entité mono-religieuse, mono-identitaire et mono-idéologique faite de haine de soi. Les Palestiniens tombent dans cet abîme et commencent à tourner leur rage les uns contre les autres. S’il est facile d’identifier les fruits de cette abondance de malheurs, les Palestiniens doivent placer les différents conflits selon une échelle des priorités, puis traiter en premier le plus important.

Et le plus important de tous les défis auxquels sont confrontés les Palestiniens est de s’unir pour réussir à surmonter tous les autres, qui les conservent dans un cycle de misère et de désespoir exploité par les opportunistes qui rôdent autour d’eux comme des vautours.

Les Palestiniens ont un besoin urgent d’avoir une confiance restaurée dans leurs dirigeants. Ceux-ci doivent s’unir et entamer un processus de définition d’une nouvelle stratégie nationale qui soit laïque et parle à tous les secteurs politiques et religieux.

Les Palestiniens doivent être ramenés à croire qu’il existe un espoir réel de paix et de salut national. Cela mettra fin aux conflits amers et vicieux que nous voyons aujourd’hui entre groupes palestiniens, pas seulement dans la bande de Gaza, mais aussi partout en Cisjordanie. Avec une nouvelle direction, les Palestiniens peuvent aller négocier pour résoudre le conflit avec Israël, avec des demandes justes comme la disparition de la clôture, le retour des terres volées pour les colonies israéliennes illégales, le partage de Jérusalem et une solution à ce gorille de 400 kg qui menace toute discussion : le sort des réfugiés palestiniens.

Les Palestiniens peuvent retrouver le chemin qui mène à l’espoir.

Ou bien, ils peuvent continuer à trouver des excuses et mettre tout sur le dos d’Israël. Et rêver à l’idée ridicule que les fanatiques du Hamas vont, d’une manière ou d’une autre, se transformer en une puissante force militaire et devenir un Hezbollah palestinien qui jettera le « yahoud » à la mer, nettoiera la Nouvelle Palestine de ses chrétiens et de ses incroyants laïques, et imposera un régime dont les ayatollahs seront fiers.

Cela ne se produira pas.

Mettre tout sur le dos d’Israël et refuser de traiter nos propres problèmes, cela ne fera que renforcer le mur mental qui emprisonne aujourd’hui le peuple palestinien dans un coma de désespoir.