Ha’aretz, 18 mars 2009

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les témoignages des soldats israéliens du cours préparatoire « Itzhak Rabin » offrent un premier regard non censuré sur ce qui s’est passé dans certaines des unités combattantes lors de la guerre de Gaza.

Il semble que ce que les soldats ont à dire corresponde à la manière dont les choses se sont passées sur le terrain, la plupart du temps. Et, comme d’habitude, la réalité est totalement différente de la version édulcorée qu’en ont donnée au public et aux médias les chefs militaires, pendant et après l’opération.

Les soldats ne mentent pas, pour la raison simple qu’ils n’ont aucune raison de mentir. A la lecture des transcriptions qui seront publiées dans notre édition de vendredi (en cours de traduction, ndt), on n’y trouve ni jugement ni fanfaronnade. Il s’agit de ce que les soldats ont vu à Gaza. Il y a là une cohérence de témoignages, en provenance de secteurs différents, qui renvoient une image troublante et déprimante.

L’armée rendra un grand service à tous, à commencer par elle-même, en prenant ces soldats et ces témoignages au sérieux et en enquêtant en profondeur. Quand des témoignages viennent de Palestiniens ou de la « presse hostile », il est toujours possible de les qualifier de propagande au service de l’ennemi. Mais que faire quand ce sont les soldats eux-mêmes qui racontent la même histoire ?

Il est possible que se nichent dans les témoignages quelques erreurs ou exagération, car un commandant d’escadron ou de peloton ne perçoit pas toujours les événements dans leur globalité. Mais là, il s’agit de preuves de première main de ce que la plupart des Israéliens préféreraient ignorer. Comment l’armée a mené sa guerre contre une organisation terroriste armée alors qu’une population civile d’un million et demi de personnes était coincée au milieu.

Mercredi, en réponse à un e question d’Ha’aretz, Danny Zamir, le directeur du cours préparatoire, a déclaré qu’il n’avait décidé de publier ces textes qu’après avoir discuté et écrit plusieurs fois à des officiers haut placés. Il a été dit à Zamir par l’état-major que des enquêtes sur les opérations, y compris sur leurs aspects éthiques, étaient toujours en cours. En outre, ces officiers ont dit qu’ils n’avaient pas de preuves d’incidents du type de ceux que racontent les soldats.

Si l’armée n’a véritablement jamais entendu parler de tels incidents, l’hypothèse raisonnable est qu’ils n’ont pas voulu savoir. Les soldats décrivent la réalité dans les unités combattantes, à partir du niveau hiérarchique de la compagnie et plus bas. Or, dans les debriefings, les participants sont habituellement d’un niveau hiérarchique supérieur. Il semble que, à part pour des incidents isolés, la règle soit : « si la question n’est pas posée, on ne dit rien ».

Au bout du compte, ceux qui ont dévoilé les sombres secrets ont été les soldats eux-mêmes. Quelque part sur le chemin, leurs clignotants moraux se sont éteints.

Dans les prochains jours, dans le cadre des efforts pour démentir ces allégations, nous entendrons certainement parler de Zamir. En 1990, alors qu’il commandait une compagnie de réservistes, Zamir fut jugé et condamné à la prison pour avoir refusé de protéger une cérémonie où des militants de droite ont rapporté des rouleaux de la Torah à la tombe de Joseph à Naplouse. Mais, même si Zamir ne cache pas ses opinions politiques, la lecture des transcriptions montre qu’il agit mû par une réelle inquiétude pour l’esprit de l’armée.

Les problèmes éthiques à Tsahal n’ont pas commencé en 2009. Des discussions de ce genre ont suivi la guerre de 1967 (« Siah’ lohamim », dialogue de combattants, qui avait créé un vrai choc dans la société israélienne, ndt). Mais un officier de réserve qui, mercredi, a regardé les transcriptions, a dit : « Ce n’est pas le Tsahal que nous connaissions ».

Les descriptions montrent que la perception par Israël de l’ennemi devient plus extrême. La détérioration a été continue, depuis la première guerre du Liban jusqu’à l’opération de Gaza, en passant par les Intifadas et l’opération « Rempart ».