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Yediot Aharonot, 13 mars 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


En aucun cas Israël ne peut fixer unilatéralement ses frontières

Une idée absurde, sans aucun fondement, court en ce moment dans les milieux politiques israéliens et atteint même Washington : le gouvernement israélien pourrait passer par-dessus l’Autorité palestinienne et fixer unilatéralement ses frontières.

Récemment, le parti Kadima a adopté cette idée, et Ehoud Olmert l’a évoquée dans les médias. Un gouvernement dirigé par Olmert, dit-il, donnera aux Palestiniens une chance limitée de défendre de nouveau leurs positions autour d’une table de négociations. S’ils tardent trop, ou s’ils choisissent une approche « pourparlers aujourd’hui, terrorisme demain », Israël prendra l’initiative.

Israël agira seul, a affirmé Olmert en forme de menace, et décidera, après un dialogue avec la nation et avec la communauté internationale, où, très précisément, passera la nouvelle frontière, et quelles parties de la Cisjordanie seront annexées.

Bien entendu, rien de tout cela ne se produira, ni, d’ailleurs, ne pourra jamais se produire.

Un peu d’histoire

Examinons les précédents de 1977 à 2005. Israël a fixé ses frontières au sud, à l’est et au nord. Dans chaque cas, sans aucune exception, et que les gouvernements aient été de droite ou de gauche, il en est ressorti plusieurs choses :

 Israël s’est toujours retiré sur la ligne d’armistice de 1949 (frontière internationalement reconnue avant la guerre de 1967).

 Israël n’a jamais laissé derrière lui un seul soldat ou une seule colonie. Les colonies ont été évacuées. Car, après tout, les évacuer deux fois n’aurait eu aucun sens.

 Israël n’a jamais eu l’audace de fixer des frontières unilatéralement ou d’annexer des territoires conquis en 1967 [[l’auteur parle des territoires qui ont fait l’objet d’accords. Le Golan et Jérusalem Est ont bien été annexés (ce qui n’a pas empêché Ehoud Barak, par exemple, de négocier avec la Syrie et avec l’Autorité palestinienne). ]]. Les frontières furent tracées en accord avec certains Etats arabes et avec la communauté internationale. Nous avons signé des traités de paix avec l’Egypte et la Jordanie. Le retrait du Liban a été approuvé (jusqu’au dernier centimètre) par des inspecteurs des Nations Unies. Même le désengagement de Gaza a été certifié par les gouvernements arabes, malgré les objections de l’Autorité palestinienne.

 Le monde, y compris les Etats-Unis, n’a fini par accepter le tracé de la clôture de séparation en Cisjordanie (très proche de la ligne Verte) que lorsqu’il a été convaincu sans l’ombre d’un doute que cette clôture était une mesure de sécurité essentielle destinée à prévenir le terrorisme, et non une mesure politique unilatérale.

Le message est clair

Que pouvons-nous apprendre de ces exemples ? Un message très clair se dessine. Une frontière définitive sans accord définitif, cela n’existe pas. Donc, Israël ne peut en aucun cas tracer fixer unilatéralement ses frontières avec l’Autorité palestinienne.

Pour qu’une pareille frontière bénéficie ne serait-ce que d’un minimum de reconnaissance internationale, il faudra prendre en compte les besoins et les aspirations nationales des Palestiniens, et ils devront être d’accord avec le processus. Et ce, quels que soient leurs représentants politiques élus du moment.

Il est également absurde de penser que le fait de parler de « fixer des frontières définitives » menace le gouvernement palestinien d’une quelconque manière. En particulier aujourd’hui : tout projet israélien de retrait unilatéral, même partiel, sert les intérêts du Hamas et renforce à la fois son pouvoir et sa main mise sur la société palestinienne.

Par ailleurs, il est improductif de coordonner des idées avec un président Bush si profondément impopulaire et dont la politique moyen-orientale est si profondément embourbée.

Assez de cartes

Pendant des années, Ariel Sharon se déplaçait avec une série de cartes sous le bras. Il les dépliait devant tout interlocuteur qui se présentait à lui pour lui montrer quelles zones Israël se devait de conserver pour toujours afin d’assurer sa sécurité et de répondre à ses besoins géographiques et écologiques.

En 2004, Sharon arrêta de transporter des cartes. Il avait compris, au plus profond de lui, qu’Israël n’était pas dans la position qui était celle des Alliés en 1945, quand ils avaient forcé l’Allemagne à la reddition.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas un empire victorieux qui puisse imposer les frontières qu’il souhaite sur les sables du Proche-Orient. Jamais nous n’avons été autorisés à le faire par le passé, et jamais nous ne le serons à l’avenir.

Les pourvoyeurs de cartes sont des marchands de rêves, qui veulent nous vendre des espoirs évanouis.