Ha’aretz, 14 septembre 2009

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traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les pourparlers directs [entre Abbas et Netnyahou, ndt) qui ont débuté lors du sommet de Washington doivent avoir un seul et unique objectif : fixer les frontières entre Israël et l’Etat palestinien à naître en Cisjordanie. Car Israël a besoin d’une frontière pour délimiter ses frontières, normaliser sa situation sur le plan international, en finir avec le débat sur les colonies et solidifier le consensus national. Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il s’agit de la mission de sa vie. S’il réussit, il aura justifié son retour au pouvoir et aura laissé son empreinte dans l’histoire.

Netanyahou se concentre aujourd’hui sur la piste palestinienne. Or, il y a un peu plus d’un an, il avait consacré sa première rencontre avec le Président Obama à la menace iranienne. Les Palestiniens n’étaient mentionnés qu’en passant. Cette fois, lors de dernières rencontres, l’ordre du jour s’est totalement modifié, selon des sources américaines. La plus grande partie du temps a été consacrée au processus diplomatique avec les Palestiniens, et l’Iran a été mis de côté.

Du point de vue de Netanyahou, l’accord sur lequel il est en train de travailler avec le Président Mahmoud Abbas est destiné à équilibrer entre deux intérêts d’Israël : le désir de ne pas inclure les Palestiniens de Cisjordanie dans ses frontières, ni de les contrôler, d’une part, et de l’autre maintenir sa capacité à se défendre. Aux Palestiniens la souveraineté, à Israël la sécurité. Voilà le deal que propose Netanyahou, enveloppé dans les déclarations qui parlent de « mettre fin au conflit ».
Car mettre fin au conflit est un but noble, mais ni Abbas ni Netanahou n’y parviendront. Non qu’ils soient de mauvais dirigeants oui qu’ils veuillent que le conflit se poursuive, mais parce que la conclusion ne dépend pas d’eux. Aucune signature ne fera disparaître les versions opposées de l’histoire que se racontent les deux peuples, chacun se considérant comme la victime et voyant le rival comme l’envahisseur non désiré. Impossible de composer avec un éthos national avec un simple stylo. Aucune chance non plus de formuler une version de l’histoire commune, israélo-palestinienne. Si les négociations se concentrent sur la question de savoir qui a raison et qui a tort, ou oui a été ici le premier, oublions-les tout de suite.
Laissons les questions des versions de l’histoire aux historiens, aux éducateurs et aux créateurs. Aux hommes d’Etat de se soucier des aspects pratiques de la vie et de se mettre d’accord sur la frontière en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que sur les modalités en matière de sécurité qui assureront la stabilité.

La frontière doit indiquer clairement où finit Israël et où commence la Palestine.

Israël a reconnu deux types de frontières, les frontières de paix avec l’Egypte et la Jordanie, et les frontières de dissuasion avec la Syrie, le Liban et la bande de Gaza. Il n’y a pas de frontière claire en Cisjordanie ni à Jérusalem-Est, mais seulement des modalités sécuritaires locales (murs et barrières, check points, et routes séparées) ainsi qu’une tentative incessante d’établir des faits sur le terrain et de repousser l’autre côté.
Par beaucoup d’aspects, les relations d’Israël avec le « Hamantan » à Gaza sont bien plus calmes qu’avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie, où les deux parties coopèrent économiquement et sur le plan sécuritaire, tout en étant en rivalité sur le plan diplomatique. Le désengagement de Gaza a créé une frontière claire, et chacun sait exactement où finit la partie du territoire que contrôle Israël et où commence la souveraineté du Hamas. Quiconque tente de traverser la ligne risque sa vie. Ceci est la version simplifiée de la formule « souveraineté contre sécurité ».

Une frontière en elle-même ne garantit aucunement le calme. Israël a été attaqué par des frontières qui ont fait l’objet d’accords, et a lui-même envahi tous ses pays voisins. Car une frontière demande un consensus national. Pendant la seconde guerre du Liban et l’opération « Plomb durci », l’armée est retournée dans des zones qu’Israël avait évacuées, par des retraits unilatéraux. Puis l’armée s’est retirée, encore une fois. Il n’y eut aucun débat sur la réoccupation de la zone de sécurité au Sud-Loban ni sur la décision de réoccuper encore une fois la bande de Gaza et le Goush Katif.

Ce serait comme si une frontière nouvelle était créée à l’est : chaque Israélien saurait où il habite, et quand. Et les tentatives de prendre un dounam et encore un dounam, encore une ruelle, encore une colline, s’arrêteront.
Netanyahou évoque de « nouvelles idées » qui remplaceraient la séparation totale et l’évacuation complète de tous les colons. Illusions ! Tout accord non scellé hermétiquement ouvrirait une brèche à des luttes pour le contrôle de la terre et conduirait à de nouvelles confrontations. C’est ce qui s’est passé au nord avec les zones démilitarisées avant la Guerre des Six Jours, et c’est ce qui est en train de se passer aujourd’hui en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. A Netannyahou de parvenir au meilleur accord possible et de s’en tenir là. Ce sera douloureux, mais cela apportera un peu d’ordre dans nos vies.