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Ha’aretz, 22 janvier 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Il faut se pincer pour s’assurer qu’on ne rêve pas lorsqu’on entend les arguments opposés par la droite à Ehud Olmert, face à la détermination (pour le moment, toute verbale, il faut le souligner) qu’il montre contre les hors-la-loi juifs à Hébron.

Le Premier ministre par intérim a annoncé que l’Etat allait imposer son autorité aux colons qui ont envahi le marché de Hébron, et que les avant-postes illégaux seraient évacués. Il a également critiqué le laxisme dont ont fait preuve jusqu’à présent les instances chargées de faire respecter la loi dans leurs rapports avec les colons pilleurs de Cisjordanie, et leur a ordonné d’agir immédiatement. Cette directive a conduit les leaders des partis de droite à prétendre qu’Olmert n’était mû que par des motivations politiciennes : en clair, qu’en exigeant la fermeté à l’égard des hors-la-loi de Cisjordanie, il était à la pêche aux voix.

On n’avait pas vu cela depuis la séparation des eaux de la mer Rouge par Moïse au moment de l’exode des Hébreux d’Egypte : une extrême droite accusant le parti centriste de vouloir séduire les électeurs en appelant à maîtriser les colons. Les députés de droite qui ont employé cet argument ce week-end ne se sont pas rendu compte qu’ils se tiraient une balle dans le pied. Car, après tout, si la motivation réelle d’Olmert est de gagner des voix, comme le prétendent les partis de droite, c’est donc bien parce que la majorité desdits électeurs soutient la position de fermeté du gouvernement à l’égard des colons. Cela signifie que la politique qui défend la réduction de la présence juive dans les Territoires est une carte que les partis doivent jouer. Au nom de qui, donc, ces députés de droite s’opposent-ils à la nouvelle directive d’Olmert et soutiennent-ils le contrôle total des Territoires, sinon au nom d’une minorité d’électeurs?

Il y a six mois à peine, la droite prétendait que le plan de désengagement ne devait pas être appliqué, parce qu’Ariel Sharon n’avait pas tenu sa promesse de procéder à un référendum. Les opposants au retrait de Gaza et du Nord de la Cisjordanie disaient que la voie officielle qui consistait à passer par le gouvernement et par la Knesset ne suffisait pas. Ils voulaient en appeler directement au peuple. Le Conseil des colons (Yesha) a mené un dur combat contre ces évacuations, en fondant sa position, entre autres, sur le fait que la plupart des Israéliens étaient d’accord avec lui. Aujourd’hui, l’ordre du jour est à l’évacuation de quelques dizaines de colons qui ont pris possession d’un nombre limité de bâtiments dans le marché de Hébron, ainsi qu’à celle d’un petit nombre d’avant-postes. Et, de fait, l’extrême droite admet que la majorité des Israéliens est favorable aux évacuations. Elle l’admet par le fait même de dire que ces évacuations constituent de la démagogie électorale. De plus, contrairement à ce qui se passe d’habitude, le bénéfice qu’en tirent les électeurs ne se traduit pas par des baisses d’impôts ou par l’augmentation de prestations sociales, mais par l’évacuation de quelques avant-postes illégaux.

Qu’il soit volontaire ou pas, cet argument de l’extrême droite reflète la révolution que connaît actuellement la société israélienne : l’entreprise de colonisation n’est plus perçue comme une chose fragile qu’il faut protéger, mais de plus en plus comme un os en travers de la gorge, qui ne peut être ni avalé ni recraché. L’époque où les gouvernements israéliens préféraient éviter la confrontation face au fanatisme des colons (par exemple, après le massacre du Caveau des Patriarches, en 1994, quand Itzhak Rabin est revenu sur sa promesse d’évacuer l’enclave de Hébron) semble révolue.

Le Conseil des colons et l’extrême droite doivent réfléchir à la décision que prendra probablement le corps électoral le 28 mars prochain. S’ils interprètent correctement l’humeur de l’opinion, ils doivent préparer leurs communautés à accepter la décision de la majorité. Et si Olmert sent qu’il a le soutien de l’opinion pour sa fermeté à l’égard du comportement insurrectionnel et illégal des colons des Territoires, pourquoi, alors, ne concentrer son effort que sur trois ou quatre colonies, plutôt que sur la totalité des avant-postes illégaux?