Autrefois chef d’état-major de Tsahal, chef du Mossad, directeurs du Shin Beth [1] ou dirigeant du parti travailliste, tous appartiennent au groupe d’une quarantaine de personnalités israéliennes qui dessinent, « à la lueur des événements dramatiques au Moyen-Orient », les contours d’une nouvelle initiative de paix.

Au nombre des propositions, l’établissement d’un État palestinien à Gaza et dans la quasi totalité de la rive occidentale du Jourdain, Jérusalem-Est incluse ; l’attribution de compensations financières aux réfugiés palestiniens et l’autorisation accordée à un petit nombre d’entre eux de revenir dans leurs anciennes maisons ; la restitution à la Syrie du plateau du Golan.

Mais, avant toute chose, ce plan se donne pour objectif de pousser le gouvernement israélien à « renouer immédiatement des pourparlers de paix ».


D’anciens patrons des services israéliens de sécurité ont brossé le schéma d’une nouvelle initiative de paix, pensée comme une plate-forme dont ils espèrent user afin de pousser le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu à relancer avec les Palestiniens des pourparlers actuellement au point mort.

Un porte-parole a confirmé mardi les grandes lignes de ce plan, précisant qu’il se fondait sur une initiative arabe de 2002 qu’Israël s’était gardé d’adopter, car elle appelait au rapatriement des réfugiés et au retrait de la totalité des territoires conquis pendant la guerre de 1967.

Une quarantaine de personnalités israéliennes, parmi lesquels d’anciens dirigeants politiques “colombe“, comme d’anciens chefs du Mossad, du Shin Beth et de l’armée, sont venus soutenir le projet, annonçant qu’ils rendraient leurs idées pleinement publiques le lendemain mercredi.

Ce plan a été conçu « à la lueur des événements dramatiques au Moyen-Orient », allusion aux soulèvements populaires contre un pouvoir autocratique qui enflamment le monde arabe depuis janvier ; il se donne pour objectif de pousser le gouvernement à « renouer immédiatement des pourparlers de paix », d’après une déclaration collective.

À l’origine de cette initiative, un groupe comprenant l’ex-chef d’état-major de Tsahal Amnon Lipkin-Shahak, les anciens chef du Mossad Dany Yatom et directeurs du Shin Beth Yaakov Perry et Dany Ayalon, comme l’ex-général et dirigeant du Parti travailliste Amran Mitzna, candidat premier ministrable [2] lors des élections de 2002.

S’exprimant devant l’agence Reuters sous condition d’anonymat, un porte-parole du groupe a corroboré les propos des media affirmant que ce plan presse Israël d’accepter la formation d’un État palestinien à Gaza et dans la quasi-totalité de la rive occidentale du Jourdain, Jérusalem-Est incluse.

Une éventuelle compensation financière destinée aux réfugiés palestiniens y est proposée, ainsi qu’un partage de souveraineté à Jérusalem, les quartiers largement peuplés de Palestiniens étant placés sous leur contrôle tandis que les zones juives seraient gouvernées par Israël.

Les réfugiés pourraient se voir offrir un dédommagement et un petit nombre d’entre eux seraient autorisés à retrouver leurs anciennes maisons en Israël, a ajouté le porte-parole.

Les Palestiniens veulent un État sur l’ensemble de la rive occidentale du Jourdain et de la bande de Gaza avec la Jérusalem-Est arabe pour capitale et un règlement de la question des réfugiés. Ils se sont refusés à tout commentaire sur l’initiative, disant qu’ils attendent, avant toute chose, d’en voir le texte.

Le plan appelle également au retrait complet des forces israéliennes du plateau du Golan, territoire pris à la Syrie au cours de cette même guerre de 1967, en échange de garanties en termes de sécurité régionale et de projets économiques, toujours selon le porte-parole.

Un exemplaire en a été montré au Premier ministre Benjamin Netanyahu, sans qu’il fasse aucun commentaire en public.

En réaction à ces documents, qui lui ont été présentés par Ha’aretz, le State Department [3] a déclaré : « Nous sommes impatients d’en savoir plus sur l’initiative israélienne de paix et croyons qu’elle pourrait constituer une contribution positive à la recherche de la paix. »

Les tentatives de reviviscence des pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens ont jusqu’ici échoué, et ces derniers concentrent leurs efforts sur la mise en place du soutien international à une déclaration unilatérale d’indépendance devant les Nations unies en septembre prochain.

Certains dirigeants israéliens redoutent qu’une telle stratégie ne les isole sur la scène diplomatique. Au sein de son cabinet, quelques-uns des ministres de Netanyahu l’ont pressé de prendre l’initiative de présenter un nouveau plan pour sortir de l’impasse.

« Nous pensons être dans notre bon droit, mais de nombreux autres pays de par le monde ne semblent pas partager notre point de vue, ce qui est désastreux », nous a confié un ministre refusant d’être nommé.

« Nous devons faire un pas et abattre notre jeu », a-t-il dit, ajoutant qu’il n’était pas certain que Netanyahu le ferait.


NOTES

[1] De même que “Tsahal“ forme l’acronyme de Tsvath Haganah Le-Israël, ou “armée de défense d’Israël“, les lettres “Shin“ et “Beth“ composent celui de Shérouté Bita’hon, les “services de sécurité“ intérieure d’Israël ; tandis que le Mossad, littéralement “l’Institut“, en constitue les services de renseignements à l’étranger.

[2] Élu maire (travailliste) de Haïfa après avoir pris sa retraite de l’armée, Amran Mitzna fut nommé secrétaire général de son parti en 2002, devenant ainsi de facto « premier ministrable ». La loi israélienne veut en effet qu’à l’issue de l’élection à la proportionnelle et par scrutin de liste d’une nouvelle Knesseth, le président de l’État confie le soin de former un gouvernement (presque toujours de coalition, faute de majorité absolue) à la tête de liste de la formation la mieux placée – ce qui ne fut pas le cas du Parti travailliste lors des législatives de 2003.

[3] Le ministère américain des Affaires étrangères.