Ha’aretz, 12 décembre 2007

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La semaine dernière, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a exigé de son homologue Tzipi Livni des explications au sujet du plan de construction de 300 appartements dans le quartier de Har Homa, à Jérusalem Est. Rice ne s’est pas contentée de poser la question à Livni, elle s’est hâtée de rendre publique l’opposition de l’administration Bush à ce plan.

Les membres de l’administration américaine, en général, s’opposent à tout geste susceptible de nuire aux négociations israélo-palestiniennes – en l’occurrence, les colonies. Mais cette fois, Rice a également exprimé sa crainte que les constructions à Har Homa soient un obstacle au processus d’Annapolis. Olmert et Abbas déclarent poursuivre l’objectif de Bush (conclure les négociations et créer un Etat palestinien en une année), mais les pourparlers ne font que commencer, et l’hypothèse d’une conclusion rapide menace de s’écraser sur Har Homa (jeu de mot intraduisible : Har Homa signifie en hébreu « montagne de la muraille », ndt).

Israël n’a aucune bonne raison à opposer aux Américains. Une affaire intérieure ? Har Homa est située à l’intérieur d’un territoire sous juridiction municipale de Jérusalem et soumise à la souveraineté israélienne ? Une question de bureaucratie ? Un appel d’offres qui n’avait pas encore été publié ? Ces arguments sont ridicules. Personne au monde ne reconnaît l’annexion par Israël de Jérusalem Est. Il suffit d’examiner les cartes officielles publiées par le secrétariat d’Etat américain et la CIA. Tout ce qui est situé au-delà des lignes du 4 juin 67 constitue un territoire occupé. C’est vrai pour le Golan, c’est vrai aussi des nouveaux quartiers construits par Israël à Jérusalem. La politique unilatérale d’Israël n’est qu’un jeu de faux-semblants qui n’oblige personne sinon lui-même, et certainement pas les Etats-Unis, qui se trouve être aussi le seul pays à aider Israël sur les plans militaire et diplomatique.

Israël ne peut pas non plus s’appuyer sur la lettre adressée par Bush en avril 2004 à Ariel Sharon, dans laquelle le président américain affirmait que la situation créée par les colonies dans les territoires palestiniens devait être prise en considération. Cette déclaration de Bush ne constituait pas un engagement à empêcher d’évacuer des colonies, elle n’oblige pas ses successeurs, et d’ailleurs, elle a disparu ostensiblement d’autres documents officiels, dont une lettre quasi identique adressée dans le même temps au roi Abdallah de Jordanie. Dans tous les cas, tout ce qui s’est produit depuis ces derniers trois ans et demi n’est pas concerné par la déclaration de Bush.

Il n’est pas surprenant que cette affaire de Har Homa ait été interprétée comme une provocation, ou au mieux comme une stupidité, car elle intervient à un moment où l’on se trouve au seuil d’une percée diplomatique décisive à laquelle, en apparence du moins, Israël est heureux de participer sans se faire tirer l’oreille. Les trucs habituels (l’extension des limites des colonies, la construction de nouvelles colonies sous le couvert de quartiers de colonies déjà existantes, ou, prétexte favori, la « croissance naturelle ») ne trompent personne.

Les festivités d’Annapolis sont terminées. Le test sera dans l’application des accords, ce qui est beaucoup moins festif. Pour le moment, pas une seule colonie sauvage n’a été évacuée, aucun progrès diplomatique n’a été enregistré, pas même le plus léger, et Israël se met dans la pire des positions : être la cible d’attaques terroristes que les Palestiniens ne tentent pas réellement de stopper, et se mettre tout seul en position défensive sur le plan diplomatique. A ce rythme, et compte tenu de tout ce qui précède, la conférence d’Annapolis ne sera rien de plus qu’une simple note de bas de page.