«Israéliens et Palestiniens sont abandonnés dans un champ de mines, entre un gouvernement à jamais agrippé au statu quo et une Autorité palestinienne livrée au désespoir qui le combat, avec un soutien international croissant. C’est la recette d’une explosion», prédit ici l’éditorialiste de Yédioth A’haronoth.


Derrière la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le mur est verdâtre – couleur inhabituelle en pareils lieux. Il se peut bien qu’il soit vert de honte. La quantité de mensonges prononcés devant cette paroi par des chefs d’État, chacun dans sa propre langue, dépasse toute “choutzpa” [la version juive du culot], elle est plus surréelle que la fiction.

Les orateurs ont menti, et les délégués aussi, qui ont accueilli chacun de leurs mensonges par des salves d’applaudissements.

L’allocution du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ne fit en ce sens pas exception. Entre autres choses, il accusa Israël de perpétrer un génocide à Gaza. Il savait qu’il mentait, et il l’a pourtant dit, espérant que le mensonge passerait. Génocide n’est pas un terme dont on puisse user à la légère. Aux plans diplomatique et juridique, c’est comme une déclaration de guerre.

D’une certaine manière, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a raison: Abbas n’est pas un partenaire. Il ne l’est plus depuis février dernier, lorsqu’il a donné à comprendre à l’équipe américaine de médiateurs qu’il avait renoncé à l’espoir d’aboutir à un accord par la voie des négociations.

Deux options lui restent. La première est de laisser le terrorisme reprendre, ce qu’il a rejeté d’un revers de main. La seconde est de lancer une offensive diplomatique contre Israël, par le biais des institutions onusiennes, au grand dam des Américains. C’est ce qu’il est en train de faire.

Cette démarche a trois objectifs: Le premier est d’essayer, au moyen de sanctions internationales, d’imposer un accord à un gouvernement israélien que cela n’intéresse pas; le deuxième, en cas d’échec du premier, d’au moins punir Israël en l’affaiblissant sur la scène internationale; le troisième, de prouver à la rue palestinienne que le Hamas n’est pas seul à combattre Israël – Abbas le combat aussi, par ses propres moyens. Ce besoin n’a fait que croître à la lumière de la pugnacité dont le Hamas à fait montre tout au long de l’intervention à Gaza.

Il prévoit de demander au Conseil de sécurité des Nations unies de poser une date buttoir à la signature d’un accord, et d’en déterminer par avance la teneur – un État palestinien sur les lignes de 1967 avec Jérusalem pour capitale. Si les États-Unis opposent leur veto à cette résolution, il reviendra devant l’Assemblée générale avec la même proposition. Elle n’aura plus de caractère contraignant, mais elle stimulera les appels au boycott d’Israël en Occident.

L’étape suivante sera la Cour pénale internationale de La Haye. Pour le moment, Abbas a promis de ne pas y aller, mais après avoir lancé cette campagne il lui sera difficile de s’arrêter en chemin. C’est ce qui arrive à qui accuse son prochain de génocide.

En tant que personne, Abbas est un homme charmant, mais un redoutable concurrent face à la politique menée par l’actuel gouvernement israélien – de fait, face aux politiques menées par la plupart des gouvernements israéliens depuis 1967. Il suscite la colère en Cisjordanie et à Gaza, mais est vu comme un héros dans le monde. Il peut s’attribuer le mérite du calme qui a régné en Cisjordanie pendant les opérations “Gardien de mon frère” et “Barrière protectrice”. Ce fut son investissement, et il en obtiendra quelque chose en retour.

La peur de l’Occident face au nouveau terrorisme islamiste de groupes comme Isis, ou Jabhat al-Nusra et d’autres, ne joue forcément en faveur d’Israël. C’est au moment précis où une coalition occidentalo-arabe se forme contre de nouveaux ennemis que se fait jour le besoin croissant de rééquilibrer les choses par le soutien à une cause pan-arabe, pan-islamique. Sur quoi l’équilibrage se fera-t-il? Sur le front israélo-palestinien. On enregistra ce type de phénomène à la veille de l’invasion américaine de l’Iraq en 2003.

Le cabinet du Premier ministre a émis une condamnation en réponse au discours de Abbas – «Abbas pratique la calomnie, le mensonge et l’incitation [à la violence]». L’hypothèse est que tout ceci n’est que propagande de guerre: Abbas va nous qualifier d’État raciste, facteur d’apartheid et de génocide, et cela s’arrêtera là. J’ai bien peur qu’ils se trompent, et ils ne sont pas les seuls. La mutation qui se produit sous nos yeux est bien plus significative.

Ce qu’on a appelé processus de paix, ou processus d’Oslo, ou négociations de paix, n’est plus sur le tapis. Le fossé entre les parties au conflit est trop large; les forces internes qui s’opposent aux concessions sont trop puissantes. Ce qui nous reste est un champ de bataille entre un gouvernement à jamais agrippé au statu quo, et une Autorité palestinienne livrée au désespoir qui le combat avec le soutien croissant du monde. C’est la recette d’une explosion.

L’allocution du Premier ministre Benyamin Netanyahou à l’université Bar-Ilan a perdu toute validité. Quand il parlera de la solution à deux États aux Nations unies [ce] lundi nul ne le croira, exceptés les membres de la délégation israélienne – et encore, j’en doute.

Netanyahou avait besoin d’Abbas – sinon pour authentique partenaire, du moins pour feuille de vigne. Cette feuille de vigne s’est envolée. Il n’y a plus personne pour couvrir le bluff.