Ha’aretz, 1er avril 2008

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Si Shalom Akhshav ne publiait pas de temps en temps des rapports, il est probable que personne ne saurait que la construction se poursuit dans les colonies. On aurait pu supposer, compte tenu des déclarations du gouvernement Olmert, que la construction était suspendue et que des efforts étaient faits pour parvenir à un accord de paix qui comprendrait un retrait de la plupart des territoires de Cisjordanie. A entendre les plaintes des dirigeants des colons, on aurait pu penser aussi qu’il y avait un gel des constructions, et que les jeunes colons étaient réellement sans abri.

Mais ce qui se passe dans les territoires est très différent. La dynamique de la duperie continue. La duperie à l’égard des Américains, la duperie à l‘égard des électeurs qui ont voté pour des partis qui avaient placé la paix en haut de leurs priorités, duperie à l’égard des Palestiniens et, par-dessus tout, auto-duperie. Nos dirigeants participent à une course sans ligne d’arrivée. Les participants : Ehoud Barak, ministre de la défense, dont personne ne comprend la ligne politique, ligne qu’il ne daigne expliquer à personne, Ehoud Olmert, premier ministre, qui commente la situation sans agir sur elle, et Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères, qui négocie une évacuation alors que le gouvernement continue à construire.

Il est clair que le Parti travailliste « n’est pas mûr pour des élections », comme le disait hier Youli Tamir, ministre de l’éducation, et l’on peut douter qu’il le soit un jour. Au lieu de consacrer toute son énergie à pousser une législation sur une loi « évacuation-indemnisation » qui permettrait à qui le souhaite de quitter immédiatement la Cisjordanie (et l’on estime que des milliers de colons sont dans ce cas), la Haute cour de Justice est saisie de demandes de positionnement de caravanes aux confins de colonies sauvages qui n’ont jamais été évacuées.

Il est difficile de comprendre le point de vue de la Haute cour, qui ordonne l’évacuation d’une caravane à Har Brakha quand, en même temps, le ministre de la défense approuve la construction de 48 nouveaux logements à Ariel pour les colons évacués du Goush Katif (bande de Gaza). Ces colons évacués n’étaient pas censés habiter des colonies, mais ils sont tout de même arrivés là.

La provocation que constitue la construction dans les quartiers arabes de Jérusalem continue à pleine vitesse, sous l’appellation frauduleuse de « renforcement de Jérusalem ». Barak et Olmert renoncent à une ligne formulée en 2000, selon laquelle la Jérusalem arabe revenait aux Palestiniens et la Jérusalem juive à Israël. Et l’on peut se demander si c’est vraiment par hasard que le même Barak qui avait échoué dans ces pourparlers (Camp David) est celui qui fait tout pour qu’ils échouent de nouveau.

Le même Ze’ev « Zambish » Hever [« Zambish » est la cheville ouvrière par excellence (mais dans l’ombre) de l’entreprise de colonisation, celui qui a toujours eu, et a visiblement encore, porte ouverte dans les cabinets ministérielset les ahutes sphères de l’armée. Son personnage est évoqué en particulier dans un excellent article consacré à notre ami Dror Etkes, ancien responsable de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Akhshav, [« Portrait d’un patriote » ]] qui, main dans la main avec Ariel Sharon, avait apporté le désastre des colonies à l’Etat d’Israël, continue à s’activer pour accélérer la construction en Cisjordanie, sous l’égide d’un gouvernement qui avait déclaré choisir une autre voie. Il semble donc qu’il ne serve à rien d’élire un gouvernement ni de formuler des principes directeurs d’une coalition, car, que le gouvernement soit de gauche ou de droite, la construction continue dans les colonies.

Israël continue d’agir contre lui-même, contre son avenir, contre toute chance qu’existent deux Etats-nations vivant côte à côte.

Hier, pendant sa visite, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a dit qu’à partir de maintenant, les Américains observeraient attentivement la manière dont Israël va soulager la vie des Palestiniens en Cisjordanie. Depuis des années, le même jeu continue : les Américains se fâchent et les Israéliens promettent, comme si les Israéliens avaient décidé de tout faire pour qu’échoue la solution dont tout le monde sait qu’elle est la seule. On perd du temps et l’auto-duperie continue. Ce ne sont pas les Américains, mais bien les Israéliens, qui paieront le prix de cette idiotie qui continue.

S’il y a un endroit où Israël n’a pas le droit ne construire ne serait-ce qu’une maison, c’est bien la Cisjordanie, partout où il est clair pour tout le monde qu’il s’agit d’une partie du futur Etat palestinien. Cet Etat est, pour les intérêts d’Israël, de la plus haute importance. Un nouveau quartier à Ariel ou dans la Jérusalem arabe ne fera pas avancer sa création.