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Ha’aretz, 8 avril 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La décision des forces de sécurité de fermer le Mont du Temple aux Juifs ce dimanche évoque les souvenirs amers laissés par la visite d’Ariel Sharon le 28 septembre 2000. Cette visite, que le gouvernement d’Ehoud Barak avait longtemps hésité à autoriser, avait été l’élément déclencheur de la deuxième intifada.

Les membres du groupe Revava [[Revava : groupe juif d’extrême droite prônant le retour des Juifs sur le Mont du Temple (Haram esh-Sherif pour les musulmans) et la reconstruction du Temple à la place des moquées. Son site propose à la vente, entre autres, les livres de feu le « rabbin » Kahana, dont le mouvement « Kakh » est interdit en Israël pour incitation à la haine raciale]], qui ont appelé les Israéliens à venir en masse au Mont du Temple dimanche prochain, semblent espérer être l’étincelle qui allumera la prochaine intifada et ainsi, peut-être, torpiller le processus diplomatique, en particulier l’évacuation de la bande de Gaza. A en juger par le niveau d’alerte déclaré par les forces de sécurité, il semble que, outre la crainte des conséquences qui découleraient des projets de manifestations de Revava, le Shin Bet soit en possession d’indications selon lesquelles des Juifs prépareraient une action terroriste contre le Mont du Temple. La plupart des habitants du Goush Katif sont non-violents et, semble-t-il, accepteront de quitter leurs maisons, mais le Shin Bet craint très sérieusement que certains extrémistes du camp des colons veuillent faire capoter cet accord. Certains cercles d’extrême droite pensent qu’il est encore possible d’empêcher le retrait, par une ou plusieurs actions terroristes qui mettraient toute la région en état de choc. Il existe des gens de la sorte partout dans le pays, et leur force réside dans une détermination sans faille.

Toute l’expérience et le savoir-faire accumulés par Israël, sans parler des milliards investis, doivent maintenant être mobilisés pour empêcher ce scénario. Si Israël échouait à éviter un acte de terrorisme juif ou une provocation de masse, cela montrerait que notre régime démocratique n’a rien retenu de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, ou de l’affaire du groupe juif clandestin qui, lui aussi, comptait « nettoyer le Mont du Temple ».

Entre temps, aucun signe venu du comportement de la police ou de l’armée n’indique qu’elles prennent ces fauteurs de troubles juifs suffisamment au sérieux. Des gamins de dix ans peuvent ainsi mettre des bâtons dans les roues de détachements de la police ou de l’armée, briser les bras de policiers (comme au cours d’un clash récent avec des colons, ndt) et rendre la vie impossible à des Palestiniens sans susciter davantage qu’une complaisance inexcusable.

Le premier test aura lieu dimanche au Mont du Temple. La décision de fermer le lieu saint aux Juifs est importante mais non suffisante. L’appel de la droite a déjà déclenché des contre-manifestations de la part des musulmans, et il existe une réelle menace d’escalade. Il faut espérer que l’Autorité palestinienne et les dirigeants arabes israéliens réussiront à calmer les esprits, et qu’ils comprendront que des troubles ne serviraient qu’à saper les intérêts de ceux qui recherchent la paix dans la région, au profit de ceux qu’excite la perspective d’une guerre et que les massacres n’effraient pas outre mesure.

Les Palestiniens doivent comprendre que la majorité des Israéliens désirent la tranquillité, et ils ne doivent pas tomber dans le panneau des provocations de la droite. Même si les forces de sécurité font le maximum pour empêcher la violence sur le Mont du Temple, une possibilité existe qu’un terroriste réussisse à perpétrer son forfait. Même un « succès » de ce genre (et souhaitons très fort que cela ne se produise pas) ne doit pas interrompre les avancées d’un accord entre les deux parties.