[« Si j’étais l’un des membres de la flotille « Bienvenue en Palestine », je me tordrais de rire, écrit Gershon Baskin dans son blog hebdomadaire [1]. Regardez-les, ces Israéliens, ils ont mobilisé 650 policiers et inspecteurs une journée durant à l’aéroport Ben-Gourion. Pendant des semaines, ils ont mené des opérations de renseignement afin d’identifier tous ceux qui comptaient y participer. Des centaines d’heures dépensées par des hommes et des femmes passant en revue les comptes Facebook et Twitter de centaines de personnes. Tout cela pour empêcher l’entrée d’un groupe de militants pro-Palestiniens idéalistes au sein de « la seule démocratie du Moyen-Orient ». […] Vous imaginez, s’ils étaient arrivés jusqu’à Bethléem ? Songez à ce qu’auraient pu faire quelques centaines d’amants de la Palestine agitant des drapeaux palestiniens de l’autre côté du mur et de ses huit mètres de haut. Peut-être qu’ils auraient brûlé quelques drapeaux israéliens. Peut-être qu’ils auraient scandé « Libérez la Palestine ! » Bonté divine ! »

Un “succès“ de la Sécurité intérieure israélienne qui n’a d’égal que la nouvelle militaire du jour, les coups de crosse au visage d’un Danois, pro-Palestinien lui-aussi. Cela se passait en Cisjordanie, et face à l’objectif d’une caméra… d’où incident diplomatique et contorsions diverses.

Comme l’écrit encore Gershon Baskin, « quelques-uns de ces stupides pacifistes bêlants de gauchistes israéliens ont même suggéré de les laisser venir [les militants de la flotille]. “Accueillez-les avec des fleurs”, ont-ils dit. Vous voyez ça d’ici, des centaines de porteurs de drapeaux palestiniens chantant « Libérez la Palestine ! » et recevant des roses tendues par des citoyens israéliens – peut-être même par certains de nos jeunes gens bien sous tous rapports. L’air ridicule que nous aurions eu quand les media internationaux […] auraient filmé la scène. Le monde pourrait penser que nous mollissons. Quelqu’un, quelque part, aurait même pu en tirer l’idée que notre Premier ministre est sérieux quand il parle de faire la paix avec nos voisins. […] Autrefois, nous vivions dans un monde sans couverture médiatique 24 h sur 24, sans Facebook ni Twitter. Nous n’avions pas besoin d’énoncer des mensonges de bon ton quant à notre désir de conclure la paix et de diviser la terre en deux États. C’était le bon temps. »


Il y a comme un symbole dans la quasi simultanéité de l’ouverture hier à Istanbul des négociations entre l’Iran et le Groupe des Six [3], et l’opération visant à expulser les militants de la paix qui prévoient d’atterrir aujourd’hui à l’aéroport Ben-Gourion avec la Cisjordanie pour destination finale. L’Iran refuse l’entrée des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique dans ses installations nucléaires afin qu’ils ne puissent rapporter ce qui s’y fait ; et Israël interdit l’accès des territoires occupés aux militants des droits de l’homme désireux de témoigner de la situation sur place.

Israël a pris des mesures extrêmes pour empêcher le vol des militants, allant jusqu’à menacer les compagnies aériennes [3]. Les forces de sécurité se préparent à expulser ceux qui parviendraient malgré tout à débarquer.

Il y a du vrai dans les propos du ministre de la Sécurité intérieure, Yitz’hak Aharonovitch, selon lesquels tout pays est en droit d’empêcher l’entrée sur son territoire d’éléments hostiles. Mais les citoyens européens participant à cette flottille aérienne ont déclaré pas vouloir se rendre en Israël, mais en Palestine. Ils ont proposé que la police israélienne accompagne leurs cars jusqu’à Bethléem, afin de s’assurer qu’ils ne changent pas de destination en cours de route.

Chacun sait qu’on ne peut parvenir en Cisjordanie ni en sortir – par voie aérienne, terrestre ou maritime – sans l’autorisation d’Israël et sans passer par son territoire. Les « listes noires » des militants des droits de l’homme [4] empêchés d’entrer dans les Territoires ne font qu’illustrer le blocus engendré par l’occupation qui pèse sur les millions de Palestiniens vivant sur la rive occidentale du Jourdain.

Dans une lettre émanant des associations à l’origine de cette opération, celles-ci déclarent vouloir apporter un message de paix, ainsi qu’un appel à la fin de l’occupation et au respect des droits du peuple palestinien dans les territoires occupés. Les porte-parole du gouvernement israélien s’emparent de cette opération « Bienvenue en Palestine » dans le cadre de leur campagne contre la délégitimation d’Israël. Dommage qu’ils ne comprennent pas que le refus de laisser pénétrer les militants des droits de l’homme dans les territoires occupés illustre mieux que tout l’illégitimité de l’occupation.

Un pays qui respecte les droits de l’homme dans les territoires sous son contrôle, y compris le droit de s’opposer sans violence à cette même occupation, devrait inviter tout un chacun à se rendre là où il veut et l’accueillir avec des fleurs !


NOTES

1] Gershon Baskin, « Encoutering Peace », Jerusalem Post du 16 avril 2012 : [

[2] Le « Groupe des Six » se compose des cinq pays membres du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne, et est actuellement sous la direction de Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne.

[3] Leur enjoignant de ne laisser embarquer aucune des personnes dont elles leurs communiquaient la liste, faute de quoi les frais de rapatriement seraient à la charge de la compagnie – mesure prévue par les conventions internationales mais que l’ampleur de la liste (1 200 personnes) et le manque de consistance des motifs allégués rendent ici suspecte, sinon abusive.

4] De source officieuse, « 470 des 1 200 personnes étiquetées par Israël comme des “militants pro-palestiniens” n’avaient pas l’intention de faire quoi que ce soit d’illégal » rapporte Ha’aretz ce jour, ajoutant qu’un « diplomate français et son épouse se trouvaient parmi les personnes qui ont vu leurs billets annulés ». Lire l’article de Barak Ravid, « Israeli official : 40% of names on Shin Bet fly-in blacklist were not activists« , Ha’aretz, le 26 avril 2012 : [