Ha’aretz, 14 novembre 2009

[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/1127920.html]

Traduction : Gérard Euzenberg pour La Paix Maintenant


C’est maintenant, précisément, que le président palestinien Mahmoud Abbas
ne doit pas abandonner l’espoir, et cela n’a rien à voir avec les
douceurs insignifiantes prononcées par Shimon Peres samedi soir dernier
lors de la manifestation à la mémoire de Rabin à propos de certains qui
donnent de l’espoir du côté de Ramallah. Comme si, à la présidence (chez
Peres, président, ndt), c’était tous les jours carnaval, et pas seulement
quand il fait ses valises pour le Brésil.

Abbas a eu raison de décider d’annoncer sa démission prochaine. Car il est
impossible de mener une négociation « sans conditions préalables », alors
que la colonisation se poursuit. Depuis 42 ans, Israël pose partout des
conditions préalables et des faits accomplis en tuiles rouges (« tuiles
rouges des toits des maisons » devenues le symbole des colonies ndt),
faisant du processus de paix rien d’autre qu’un processus sans fin.

Mais, avant qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas ndt) ne parte, il lui reste
quelque chose à faire : déclarer unilatéralement, la création d’une
Palestine indépendante. La Palestine, maintenant.

Les deux côtés sont en droit d’agir unilatéralement. Abbas le doit à son
peuple, à lui-même et à nous. Cette semaine, des informations ont filtré
selon lesquelles le premier ministre Benjamin Netanyahou trouve cette
perspective effrayante, et qu’il attend des Américains qu’ils calment les
esprits. Mais le cauchemar de Netanyahou constitue notre seule chance d’en
finir avec l’occupation, nous vivants.

Lorsqu’il déclarera l’indépendance, Abbas doit appeler les Juifs qui
vivent dans l’Etat de Palestine [les colons, donc, ndt] à préserver la
paix et à faire leur part du travail pour construire le nouveau pays, en
tant que citoyens aux droits pleins et entiers, jouissant d’une
représentation dans toutes ses institutions. David Ben Gourion n’aurait
pas été choqué par ce plagiat, tiré de la Déclaration d’Indépendance
d’Israël.

Ainsi, Mahmoud Abbas deviendra le Ben Gourion palestinien. Les
circonstances n’étaient pas moins incertaines quand Ben Gourion a déclaré
l’indépendance en 1948. Mais notre père fondateur a pris le risque, et
nous avons de la chance qu’il l’ait fait.

Le risque que prendrait Abbas serait bien moindre. Sur les 192 Etats
membres des Nations unies, plus de 150 reconnaîtraient une Palestine
libre, et la Palestine deviendrait bientôt le 193e. Bien que nous
ignorions la position des Etats-Unis, il est difficile de croire que
Barack Obama accepterait de se laisser entraîner de nouveau dans
l’isolation, maintenant que l’Amérique refait partie du monde.

Et que ferait Netanyahou ? Envahir et reconquérir la Cisjordanie ?
Restaurer le gouvernement militaire à la Muqata de Ramallah ?

Et quels ordres Ehoud Barak donnerait-il à l’armée ? La Serbie n’a pas osé
envahir le Kosovo après que celui-ci a déclaré son indépendance, et même
la grande Russie ne s’est pas permis de demeurer dans le territoire
géorgien souverain après la guerre russo-géorgienne.

Tout de suite après la déclaration d’indépendance, des fêtes
commenceraient dans la capitale, Jérusalem-Est, et des gens du monde
entier s’y joindraient, y compris des Israéliens. Les masses de la Maison
Ismaël feraient la fête joyeusement dans les quartiers de la ville, en
particulier dans les quartiers dont ils ont été évincés par des gens aux
prétentions religieuses. Cela devra être des manifestations de joie sans
violence, et aucune pierre ne devra voler.

Cette semaine, j’ai appelé Abbas au téléphone. Cela faisait plus de quatre
ans que nous ne nous étions pas parlé. Je lui ai fait part de tout ce que
je suis en train d’écrire aujourd’hui. Je lui ai encore dit autre chose :
ce qui s’est produit au Mur de Berlin il y a 20 ans, et à l’apartheid
quelques mois plus tard, arriverait aussi à l’occupation. Elle
s’effondrera, même s’il y aura encore des tentatives de la renforcer à
l’aide de clous.