Après Amos Oz, qui a appelé à voter Méretz [->http://www.lapaixmaintenant.org/article1248] et qui participe activement à la campagne, c’est A. B. Yehoshoua, autre grand écrivain, qui appelle à voter travailliste.


Il y a quelque chose de positif à ce que des gens changent d’affiliation politique d’une élection à l’autre. La loyauté à un parti n’est pas d’une importance capitale. A l’exception des extrêmes des deux côtés du paysage politique, les questions idéologiques ne sont pas figées, et s’il est acceptable, pour un parti politique, de modifier ou d’ajuster son idéologie, il est tout à fait normal que les électeurs en fassent autant.

La pauvreté est aujourd’hui une réalité en Israël, et l’on ne peut minimiser ni son étendue ni ses causes. Le fossé entre les classes s’approfondit toujours davantage, cela fait de plus en plus peur, et une nouvelle classe est née en Israël : les pauvres qui ont un emploi, les gens qui effectuent un travail pénible mais dont le salaire ne suffit pas à maintenir un niveau de vie minimum.

Que beaucoup de ces pauvres, qui, souvent, ont recours à la soupe populaire, viennent des milieux arabes ou ultra orthodoxes, n’a aucune importance. Il est de notre responsabilité à tous de ramener la population orthodoxe sur le marché du travail et d’appliquer l’égalité aux Arabes israéliens pour que ceux-ci jouissent d’un niveau de vie digne.

De notre faute

C’est nous-mêmes qui avons créé cette pauvreté. Nous ne pouvons en rendre responsables ni le Hamas ni Mahmoud Abbas. Aucun comportement palestinien, passé, présent ou futur, n’explique la douloureuse crise économique ni l’effroyable inégalité que connaît la société israélienne.

Dans une large mesure, nous nous sommes « endormis au volant » quand le gouvernement Likoud d’Ariel Sharon, Benjamin Netanyahou et Ehoud Olmert a mené sa politique économique agressive qui a provoqué cette situation tragique. Les ministres travaillistes qui participaient au gouvernement, Shimon Peres en tête, ont protesté faiblement, mais n’ont rien fait pour empêcher la crise.

La menace qui grandit

La plupart des partisans traditionnels du Parti travailliste ne connaissent pas les affres de la vie dure. Certains ont même bénéficié de la politique fiscale de Netanyahou.

Mais la pauvreté grandissante finira par toucher les classes plus aisées. La montée de la violence, l’usage de la drogue, l’échec scolaire et le sentiment grandissant d’aliénation que ressentent les Arabes et les ultra orthodoxes, tout cela va détruire les fondations de notre société, et nous en paierons tous le prix.

Pendant de nombreuses années, le Parti travailliste a dû faire face à la douleur et à l’aliénation ressentie par les classes laborieuses à l’égard de sa politique extérieure modérée. En retour, cette aliénation a durci le cœur du parti à l’égard de la détresse économique des classes laborieuses.

Retour aux racines

L’élection d’Amir Peretz à la tête du Parti travailliste, et les nouveaux venus qui serrent les rangs autour de lui, n’ont pas changé fondamentalement le parti, mais annoncent le renouveau de ses valeurs traditionnelles, longtemps oubliées et bafouées.

Pendant les années qui ont précédé la création de l’Etat, et celles qui ont suivi l’indépendance, le Parti travailliste avait deux bannières : le socialisme et une diplomatie privilégiant la sécurité. Les membres des kibboutz servaient ainsi d’exemples brillants de cette combinaison, malgré leur petit nombre relatif dans la société israélienne.

Si Berl Katznelson, David Ben Gourion ou les autres pères fondateurs de la social-démocratie israélienne pouvaient voter aujourd’hui, ils considéreraient Amir Peretz et ses amis comme leurs successeurs idéologiques naturels, et ils verraient d’un très bon œil leur programme ambitieux d’absorption des immigrants, de mise en valeur des campagnes et de protection sociale. Et tout cela sans renoncer aux intérêts d’Israël en matière de sécurité.

Il faut un Parti travailliste fort

Si Kadima veut réellement faire la paix, ou pour le moins se retirer et se séparer du peuple palestinien, il aura toujours le soutien du Parti travailliste.

Mais pour que soient prises les mesures nécessaires pour réduire la pauvreté et réparer les torts qui ont été causés, il faudra une présence massive du Parti travailliste dans une coalition emmenée par Kadima, parce qu’à partir de maintenant, ces questions représentent pour les travaillistes bien plus qu’un thème électoral : elles représentent un retour à ces valeurs traditionnelles qui, pour la première fois, occupent la première place dans l’ordre du jour du parti.